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MARGUERITE DE VALOIS

sont un modèle de cette langue d’Amyot, au tour naïf et facile, qu’elle assaisonna d’enjouement et de finesse. Mais, laissant de côté sa prose, bornons-nous à rappeler le petit nombre de poésies où elle nous a rendus confidents de ses faiblesses. On y trouve la touche de Marot, avec une teinte gracieuse de sentiment.

Détenue pour ses écarts de conduite au château d’Usson en Auvergne, elle apprend la mort de son amant Aubiac, pendu à Aigueperse, et soudain l’inspiration de sa douleur lui dicte ces vers :


Rigoureux souvenirs d’une joie passée,
Qui logez les ennuis du cœur en la pensée,
Vous savez que le ciel, me privant de plaisir,
 M’a privé[1] de désir.

Si quelque curieux, informé de ma plainte,
S’étonne de me voir si vivement atteinte,
Répondez seulement, pour prouver qu’il a tort :
 Le bel Atys est mort ;

Atys, de qui la perle attriste mes années,
Atys, digne des vœux de tant d’âmes bien nées,
Que j’avais élevé pour montrer aux humains
 Une œuvre de mes mains…

Si je cesse d’aimer, qu’on cesse de prétendre :
Je ne veux désormais être prise ni prendre,
Et consens que le ciel puisse éteindre mes feux ;
 Car rien n’est digne d’eux.

  1. Comme pour les participes présents, les règles n’ont été bien fixées pour les participes passés que dans la seconde partie du dix-septième siècle.