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MARGUERITE DE NAVARRE

est le Triomphe de l’agneau, épître sacrée du genre de celles qui florissaient au temps de Pétrarque, comme on le voit par ses Triomphes de l’amour, de la chasteté, de la mort. Par malheur notre langue et l’auteur étaient trop faibles pour lutter avec la sublimité des textes saints ; on en jugera par cette imitation :

Or es-tu, Mort, par tes armures morte,
Or n’es-tu plus maintenant la plus forte.
Dis maintenant : qu’est ton bras devenu ?
Ton grand pouvoir, que t’est-il advenu ?
Où est le bruit de ta fière victoire,
Ton aiguillon, ta puissance et ta gloire ?

Il y a, ce semble, plus d’effet dans ce passage qui rapporte à sa véritable cause la chute de Rome : cet État devenu, dit Marguerite,

Si grand, si haut, si puissant et si fort
Qu’il ne craignait des étrangers l’effort,
Secrètement sous ses ailes couvait
Sédition ; et ainsi se mouvait
En peu de temps la tempête civile,
Qui fit déchoir cette superbe ville.
Ainsi le nom et l’empire romain,
Jadis fondé par tant de sang humain,
Après avoir le monde combattu,
Fut à la fin de sa force abattu :
Le tout venant par divine ordonnance,
Par le conseil et haute providence
Du souverain, qui de rien agrandit
L’homme abaissé et le grand amoindrit.

On ne perdra pas de vue que ce vers de dix syllabes, qu’on appelait l’alexandrin, était alors le vers