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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

l’estime qu’elle avait conçue pour sa personne et pour son livre. L’écrivain, en réponse à un message si flatteur, vint dès le lendemain la voir et la remercier, « lui présentant, dit-elle, l’affection et l’alliance de père à fille : » l’un avait atteint sa cinquante-cinquième année ; l’autre touchait à peine à sa vingt-troisième. L’offre fut, comme on pense, acceptée de grand cœur, et de nombreuses visites, durant les huit ou neuf mois de séjour de Montaigne dans la capitale, cimentèrent cette union intellectuelle. Il consentit, en outre, à suivre les deux dames et à demeurer assez longtemps auprès d’elles dans leur maison de Gournay. C’était de retour dans son château que, plein du souvenir des tendres attentions dont il avait été l’objet, il écrivait les lignes suivantes, en revoyant le deuxième livre des Essais :

« J’ai pris plaisir à publier en plusieurs lieux l’espérance que j’ai de Marie de Gournay le Jars, ma fille d’alliance, et certes aimée de moi beaucoup plus que paternellement, et enveloppée en ma retraite et solitude comme l’une des meilleures parties de mon propre être. Je ne regarde plus qu’elle au monde. Si l’adolescence peut donner présage, cette âme sera quelque jour capable des plus belles choses, et entre autres de la perfection de cette très-sainte amitié, où nous ne lisons point que son sexe ait pu monter encore[1]… »

Différents passages de mademoiselle de Gournay attestent que ses rapports avec le Sénèque français,

  1. Fin du dix-septième chapitre.