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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

une méprise de l’abbé de Marolles, qui en a fait un chat : Tallemant est mieux informé.

C’est aussi ce dernier qui rapporte les autres tours plaisants que lui jouèrent les pestes qui s’attachèrent à elle : « On supposa une lettre du roi Jacques d’Angleterre, par laquelle il lui demandait sa vie et son portrait. Elle fut six semaines à faire sa vie (il en sera question ailleurs) ; elle se fit barbouiller, et envoya tout cela en Angleterre, où l’on ne savait ce que cela voulait dire. »

Saint-Amant, dans son Poëte crotté, l’a maltraitée encore avec plus de méchanceté que d’esprit. Bois-Robert, on a pu le remarquer plus haut, ou, pour parler le langage du temps, l’abbé de Bois-Robert, ne se faisait pas faute de s’amuser d’elle ; mais sa malice était du moins sans amertume : elle-même l’appelait le bon abbé. Il est vrai que le lieutenant d’Apollon, ainsi qu’elle le nomme dans ses Épigrammes, fort goûté de Richelieu, dont il chassait la mélancolie, était souvent le canal des grâces de Son Éminence.

Les courtisans notamment lui firent une rude guerre : on peut le conjecturer par les traits que, dans ses ouvrages, elle ne cesse de leur décocher. Une pièce dirigée contre ses détracteurs, dont elle se préoccupe beaucoup trop pour son repos, renferme ce distique :

Le monde est une cage à fous :
Gens de cour le sont plus que tous.

Aussi son antipathie est-elle acquise à cette race, fort sotte effectivement à cette époque, si on la juge