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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

on s’en était fait un jeu, parce qu’ils étaient enfreints sans péril, et Henri IV lui-même avait trop souvent enseigné à les mépriser. L’auteur, en terminant, se déchaîne avec une nouvelle colère contre les artisans de médisances, et fait voir par une conclusion morale, au moyen de nombreux exemples, qu’ils n’ont presque jamais réussi qu’à se nuire à eux-mêmes. En somme, cette composition, plus diffuse encore qu’abondante, et que recommandent trop peu l’originalité de la pensée et la netteté de l’expression, a néanmoins un côté curieux : c’est qu’échauffée d’une ardeur qui sent la passion personnelle, elle est une sorte de manifeste lancé par mademoiselle de Gournay contre ses envieux et ses censeurs.

Ailleurs elle entreprend de montrer « l’antipathie qui éloigne les âmes basses des hautes. » Celles-ci, dont le nombre n’est que trop restreint, demeurent, selon elle, au milieu de la foule des autres, isolées et solitaires. Il leur manque le plus souvent, avec une place où elles soient dans leur jour, des juges capables de les apprécier. Quels yeux assez clairvoyants, en effet, pour discerner les divins caractères qui les distinguent ? Si la perfection n’en est pas méconnue, on la suspecte : elles choquent et offensent, par leur supériorité même, celles qui ne peuvent y atteindre. Leur sort est donc pour mademoiselle de Gournay, qui ne se croit pas sans doute désintéressée dans la question, l’objet d’une sympathie douloureuse. Son inquiétude de n’être pas prisée à sa valeur perce dans ces considérations, qui ne sont pas dépourvues toutefois d’un mérite plus élevé