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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

dant et fondés sur une analogie si naturelle au gré de mademoiselle de Gournay. En protégeant ces mots contre des oreilles trop promptes à s’offenser, elle montrait une intelligence réelle de l’esprit et des besoins de notre langage. On avouera que, dans cette mesure, elle n’avait pas tort de se tenir « au français que nos bonnes nourrices avaient chanté. » C’était là non un attachement puéril à des locutions tombées en désuétude, mais une réaction légitime contre des dégoûts sans motif et sans terme. Son sentiment au sujet de quelques alliances ou emplois métaphoriques de termes n’était pas moins éclairé, lorsqu’elle soutenait les locutions suivantes qui ont prévalu ; faire bannière d’une chose, pour s’en glorifier ; se piquer de bonne mine, ambitionner une faveur, bien ou mal intentionné, détrôner un roi, une opinion, etc. On la louera aussi d’avoir voulu, combattant les tendances d’une école trop compassée, « que l’on n’écrivît pas autrement que l’on parlait. » En même temps l’on saura gré à mademoiselle de Gournay de la foi qu’elle a dans le brillant avenir réservé à notre langue ; il lui semble qu’au point où notre idiome est arrivé, « il peut avancer, mais non plus reculer ni vieillir : » opinion plus sensée que celle qu’exprimait du Perron vers la même époque, lorsqu’il déclarait, avec une illusion présomptueuse, « que la langue française était parvenue à sa perfection, parce qu’elle commençait à décliner[1]. »

Amyot, pour la prose, Ronsard, pour la poésie, offrent

  1. Perroniana, in-12, 1691, p. 183.