trésors amassés par nos pères. « À l’égard de ces retranchements, remarque Sorel dans un morceau curieux sur les progrès de notre langue[1], si l’on veut citer une personne qui s’est mise fort en colère, ce sera la bonne demoiselle de Gournay ; elle pourrait donner grande matière de discourir touchant le langage, autant pour ce qu’on lui en a ouï dire que pour ce qu’elle en a écrit. » De là le rôle que lui a prêté Ménage, en supposant qu’elle avait adressé une supplique à MM. de l’Académie, qui proscrivaient :
Ces nobles mots, moult, ains, jaçoit,
Ores, adonc, maint, ainsi soit,
À tant, si que, piteux, icelle,
Trop plus, trop mieux, blandice, isnelle,
Piéçà, tollir, illec, ainçois,
Comme étant de mauvais françois[2].
N’était-il pas possible de produire, pour la défense et le maintien de plusieurs d’entre eux, des arguments assez solides ? Moult, ains[3], maint, d’une prononciation facile et douce, si que, tour nerveux autant que rapide, ont été regrettés par La Bruyère[4] ; Corneille n’a pas dédaigné piteux, que la poésie n’a point remplacé ; blandice était harmonieux ; isnel (agile), d’une
- ↑ De la connaissance des bons livres, p. 418. — Cf. le même auteur, dans sa Bibliothèque française, p. 234.
- ↑ Voy. la Requête des dictionnaires, t. III, p. 259 du Menagiana, pièce qui, suivant Voltaire, empêcha Ménage d’entrer à l’Académie.
- ↑ « Cet ains, dit mademoiselle de Gournay, si nécessaire cependant pour remplacer çà et là mais, trop fréquent, sur le papier. »
- ↑ Voy. la fin du c. xiv de ses Caractères.