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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

à la veille de la grande époque des lettres françaises. La dernière édition qu’elle a donnée de ses œuvres est très-voisine du milieu du dix-septième siècle[1]. Elle était alors d’une vieillesse avancée, et cependant, comme dans l’édition précédente, on la voit augmenter et retoucher encore ses travaux[2]. Toutefois, elle prie le lecteur de considérer que s’il trouve des fautes typographiques, il ne faut pas en faire tomber le blâme sur elle, « sur une pauvre vieille qui, corrigeant son propre ouvrage lorsqu’il est sous presse, croit toujours lire ce qu’elle a écrit ; » et, recommandant son livre au public, elle se compare « à une mère qui est prête à quitter son enfant orphelin et veuf de toute assistance. » En réalité, elle ne survécut que très-peu d’années à cette impression finale. Âgée de près de quatre-vingts ans, elle mourut le 13 juillet 1645, et fut inhumée à Saint-Eustache. Elle disparaissait du milieu d’une société qui ne la connaissait plus et qu’elle ne connaissait guère davantage. Les yeux tournés en arrière, par l’effet de sa préoccupation trop constante, elle n’avait aperçu

  1. 1641, in-4o de 995 pages.
  2. Le discours préliminaire, consacré par mademoiselle de Gournay à un examen rapide ou plutôt à une apologie sommaire de ses œuvres, a particulièrement été modifié et amélioré assez sensiblement. En s’appréciant elle-même, elle réclame l’indulgence : « Car l’esprit, dit-elle avec assez de finesse, semble autant incapable de juger précisément le fruit qu’il a conçu, puisque c’est à vrai dire une partie de sa propre essence, que l’œil, quoiqu’il voie toutes choses, est impuissant à se voir soi-même. » — De nombreuses corrections dans ses vers, généralement bien faites, témoignent aussi, en dépit des principes qu’elle a parfois exposés, de sa difficulté à se contenter elle-même et de son travail persévérant.