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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

Et ores en Espagne et ore en Angleterre,
Jeune, je m’adextrai au métier de la guerre.
Je traversai les monts suivant l’espoir de tous,
Qui pensaient que Milan serait gardé par nous :
Mais, comme bien souvent la fortune se moque,
Nous fûmes d’un malheur suivis à la Bicoque ;
Là où comme un piéton, tout de poudre noirci,
Je vis combattre à pied le grand Montmorenci,
Que j’allai coudoyant au milieu du carnage,
Faisant sentir l’effort de mon jeune courage.

Il paya bien, au reste, ses premiers succès, en homme qui devait, à toutes les époques de sa vie, chèrement acheter la gloire, ou plutôt il faillit tout d’abord être victime de son courage : Il commença par avoir cinq chevaux tués sous lui, et par être blessé à la jambe droite d’un coup d’arquebuse, qui le rendit boiteux fort longtemps. Et ce rude apprentissage de la souffrance, il n’eut guère occasion de l’oublier dans sa longue carrière ; car, comme il le dit lui-même, « il ne fut jamais exempt de grandes blessures et de grandes maladies ; mais il en eut autant qu’homme du monde saurait en avoir sans mourir. » Aussi pouvait-il se vanter que tous ses grades eussent été la récompense de ses services et de n’avoir rien dû à la faveur et à la fortune, « n’étant parvenu que de degré en degré, et comme le plus pauvre soldat du royaume. »

Lautrec, capitaine des plus distingués, mais plus brave qu’heureux, qui commandait dans le Milanais, fut frappé du courage qu’il déploya, notamment à la funeste affaire de la Bicoque (1522), et il le récompensa peu après, quoiqu’il n’eût encore que vingt ans,