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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

soin ; car je donnai plus de trois fois du genou à terre. » Ce qui est certain, c’est que par l’élan de sa vaillance personnelle autant que par celle qu’il communiqua aux autres, il ne contribua pas peu au gain de la journée ; et il en fut dignement récompensé par le comte d’Enghien, qui le créa chevalier, de sa main, sur le champ même de bataille.

Quel que soit sur ce théâtre le noble aspect sous lequel Montluc se montre à nos yeux, là n’est pas toutefois sa véritable supériorité. Il excelle non pas tant à conduire un corps d’armée qu’une compagnie, une bande : partout enfin où l’ascendant appartient d’une manière plus marquée à l’intelligence, à la force individuelle. Il est de ceux qui ont leur prix principal isolément et par eux-mêmes, dont l’influence est d’autant plus grande qu’elle est plus dégagée de toute circonstance extérieure. Reconnaissances hardies et coups de main, surprises, embuscades, camisades, comme on disait alors par un terme collectif, c’est là qu’il se montre en maître. Dans une escarmouche ou dans un assaut il n’a pas non plus son égal. Fertilité inouïe de ressources, stratagèmes qui se renouvellent chaque jour, présence d’esprit qui fait face à tout, tels sont les caractères saillants de Montluc, qui gagne moins encore à être considéré dans une campagne régulière que dans une guerre de partisans. Tel était aussi le trait distinctif de ces temps où les traditions des condottieri subsistaient dans toute leur force. L’époque de la grande guerre et des hautes combinaisons stratégiques n’était pas encore arrivée.