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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

chaque jour, et Montluc avait fait tuer ses deux derniers chevaux.

Le marquis de Marignan, qui de son côté n’avait guère moins souffert que les assiégés, fut prompt à recevoir leurs ouvertures, et, par appréhension de leur désespoir, à leur accorder composition.

Quant à Montluc, qui s’était réduit au régime de simple soldat, il ne mangeait qu’une fois le jour ; mais ce maigre repas (telle était son ardeur de faire son devoir et d’acquérir de l’honneur) était, nous dit-il, un banquet pour lui toutes les fois qu’il revenait d’une escarmouche heureuse. Au comble de sa détresse on lui offrait de capituler avec les Siennois ; mais il répondit qu’il aimerait mieux peindre cent vies que de perdre un seul doigt de son honneur et réputation. Le nom de Montluc, ajoutait-il, ne se trouverait jamais en capitulation, et il aimait mieux mettre le tout au hasard de l’épée. Frappé d’admiration par sa constance et aussi d’effroi, parce qu’il connaissait son ennemi, le marquis de Marignan s’empressa de déclarer « qu’il sortirait de la ville en toute assurance et comme il lui plairait, » et il fut le premier, avec ses généraux et ses capitaines, à lui témoigner toute son estime. Ce fut donc le 22 avril que Montluc sortit de la ville, qu’il ne put quitter sans larmes, « parce qu’elle s’était montrée si dévotieuse à sauver sa liberté. » À quelque distance il trouva le général espagnol qui l’embrassa et avec qui il s’entretint fort amicalement. Par une attention généreuse de l’ennemi, au-devant de ces nobles soldats avaient été portés des pains qui ne contribuèrent