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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

à quelques égards. Alors on regardait comme un devoir, comme un honneur, de se baigner, pour la cause de Dieu, dans le sang de ses concitoyens. De là cette devise de Montluc : Deo duce et ferro comite. Ces auspices qui président à ses exploits les légitiment et les consacrent, en sorte qu’il ne les raconte pas avec moins de détails et de scrupule que ceux qui l’ont précédemment illustré.

Nous reculerons, pour nous, devant cette douloureuse et sanglante monotonie. Sans énumérer les circonstances (ce qui serait recommencer l’histoire si souvent faite de nos troubles), nous nous bornerons à montrer Montluc dans l’attitude de bourreau royal, puisque lui-même n’a pas craint de s’arroger ce titre odieux. Sans lui, il ne craint pas de le dire, aurait succombé l’antique foi dans la partie de la France où il commandait[1] ; et le même résultat était inévitable, si sa conduite n’avait été aussi décidée et aussi inflexible. « S’il en eût agi autrement, dit-il avec cette bonhomie naïve que l’on attendait peu d’un tel homme, on lui eût baillé des nasardes, et le moindre consul de village lui eût fermé la porte au nez, s’il n’eût toujours eu le canon à sa queue ; car chacun voulait être le maître. »

Tel était l’état du pays lorsque, sous le gouvernement débile de princes enfants, le pouvoir était l’enjeu des factions, et au moment où la reine mère Catherine

  1. « Il n’était fils de bonne mère qui n’en voulût goûter, » dit-il, en parlant des opinions endiablées des huguenots.