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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

de ce passé, il interpelle à tout moment les gens de guerre avec la liberté de son caractère et l’autorité de sa position ; il les invite, comme ses petits fils, à se mirer en lui : ce car il leur conseille ce qu’il s’est toujours conseillé, et voilà pourquoi Dieu l’a toujours tant aidé qu’il n’a jamais été défait. » Non qu’il soit uniquement fier de ses victoires ; il ne s’applaudit pas moins « des belles et honorables retraites qu’il a faites. » Les belles retraites, comme il les appelle, sont même à ses yeux le chef-d’œuvre de l’art militaire, quand on les exécute en dépit des ennemis et à leur barbe. De là chez lui ce principe : « Il n’y a pas moins d’honneur de faire une belle retraite que d’aller à un combat. » Son but est de rendre les capitaines sages par sa propre expérience, et, s’il le faut, à ses dépens : car il ne se ménage pas au besoin le blâme. Il est vrai que le plus souvent il fait son éloge, et à tout moment il cite son exemple, bien éloigné de penser, comme Pascal, que le moi est haïssable. Apostrophant ceux qui marchent après lui dans la carrière : « Fussiez-vous expérimentés, leur dit-il, cela ne vous peut nuire d’écouter et lire les discours des vieux capitaines. Étant à l’âge de vingt-cinq ans, je prenais plus de plaisir à ouïr discourir les vieux guerriers, que je ne fis jamais à entretenir la plus belle dame que j’aie jamais aimée. » Telle était l’ar-

    sont irréparables. — La diligence est la meilleure pièce qu’un capitaine saurait avoir. » Et ailleurs encore : « Il n’y a rien au monde où la diligence soit tant requise qu’à la guerre. Un jour, une heure et une minute fait évanouir de belles entreprises. — Souvent le butin est cause de la perte, etc. » Toutes ces instructions n’étaient au reste que sa pratique qu’il traduisait justement en règle.