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LOUISE LABÉ.

exprimait la pensée que les lois sévères des hommes n’empêchaient plus les femmes de s’attacher à l’étude et que leur devoir était de s’y livrer avec une honnête liberté. Elle les conviait donc à élever un peu leurs esprits au-dessus de leurs quenouilles et de leurs fuseaux, sinon pour commander, au moins pour se montrer les dignes compagnes de ceux qui commandent et pour les piquer d’émulation.

Le dialogue lui-même est une espèce de drame qui comprend cinq actes. On suppose que Jupiter avait fait préparer un grand festin auquel tous les dieux étaient invités. L’Amour et la Folie arrivent en même temps sur la porte du palais où doivent s’assembler les convives ; la Folie prétend entrer la première et repousse l’Amour, qui veut passer avant elle : de là naît une dispute des plus sérieuses. L’Amour met la main à son arc et décoche une flèche à la Folie qui échappe au trait en se rendant invisible. Pour se venger à son tour, elle arrache les yeux à Cupidon et lui applique un bandeau fait avec tant d’art qu’il est impossible de l’enlever. Vénus vient se plaindre à Jupiter, qui consent à être juge du différend, et deux avocats sont donnés aux parties, Apollon à l’Amour, Mercure à la Folie. Leurs plaidoyers sont un curieux spécimen de l’éloquence savante du temps, où tous les souvenirs étaient entassés au hasard, où les arguments s’empruntaient aux traditions mythologiques, à l’histoire sainte et profane, à la théologie, à la philosophie, à l’imagination. Dans le discours d’Apollon il faut remarquer surtout la manière piquante dont sont peints ces loups-