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CLÉMENCE DE BOURGES.

S’il faut y croire, Clémence, qui appartenait à une famille distinguée de Lyon et joignait la vertu à la beauté, donna un noble exemple de constance. Promise en effet à un jeune gentilhomme plein de bravoure, au Lyonnais Jean du Peyrat, qui servait dans l’armée royale et fut tué en combattant les protestants à Beaurepaire (1562), elle fut si sensible à sa perte, que, consumée par le chagrin, elle ne lui survécut pas. Telle était, ajoute-t-on, l’affectueuse estime dont la jugeaient digne ses compatriotes, que cette mort excita un deuil public parmi eux. Dans des funérailles qui ressemblaient plutôt à un triomphe, Clémence fut promenée, par toute la ville de Lyon, le visage découvert et la tête couronnée de fleurs, au milieu d’un concours immense de peuple qui l’accompagna à son tombeau. Quoiqu’elle fût dans la première jeunesse, sa renommée avait volé déjà jusqu’à la cour de France ; Henri II et Catherine de Médicis avaient souhaité l’entendre, pour son double talent de poëte et de musicienne : car elle excellait à jouer d’un instrument fort en vogue à cette époque et qui devait charmer les loisirs de J. J. Rousseau, de l’épinette.

Une autre tradition nous la montre, il est vrai, sous un aspect moins favorable, sans modifier cependant l’opinion que nous exprimions tout à l’heure, c’est qu’elle était, par les charmes de sa personne et l’agrément de son esprit, l’honneur de son sexe. Il paraîtrait seulement, d’après cette tradition, qu’elle en connut les faiblesses et qu’elle paya surtout tribut à la jalousie. Louise Labé aurait, dit-on, enlevé à Clémence son