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AU SEIZIÈME SIÈCLE

traduisait les Epîtres d’Ovide. Henriette de Clèves, fille du duc de Nevers, ajoutait aussi l’éclat du talent littéraire à celui qu’elle tirait de sa naissance et de sa vertu. On citait, parmi ses œuvres inédites, sa traduction de l’Aminte du Tasse. À ces noms, les plus brillants de notre aristocratie, des noms plébéiens ne laissent pas d’être mêlés, par exemple ceux de Suzanne Habert, de Nicole Estienne, de Modeste Dupuis. La première a donné des Œuvres poétiques d’un ton facile, qui furent imprimées en 1582. La seconde appartient à cette famille docte et ingénieuse qui n’a pas moins marqué sa trace dans les lettres que dans l’industrie. Sa Défense pour les femmes contre ceux qui les méprisent et ses Misères de la femme mariée témoignent d’un esprit sage et délicat, qui renouvelle ce qu’il y a d’usé dans le fond par l’élégance et par l’agrément des détails[1]. Quant à Modeste Dupuis, s’attachant comme elle à présenter l’apologie de son sexe, elle prenait dès ce moment pour son sujet le Mérite des femmes. Curieux indice du courant d’idées qui, dans notre société polie du dix-septième siècle, allait rétablir sur un fondement plus solide que par le passé, sur l’esprit, ce noble ascendant des femmes, dont l’influence a été incontestable, nous l’avons indiqué, sur la culture de la langue et du génie français.

Cependant la fécondité de la province, dans cet âge de mouvement et de progrès, n’était guère au-dessous

  1. Elle avait épousé le médecin Liébaut, dont la fortune ne fut pas en rapport avec le mérite très-réel. (Voyez les Lettres de Gui Patin, t. III, p. 444 de l’édition Réveillé-Parise.)