Page:Feuillet - Monsieur de Camors, 1867.djvu/15

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pule des femmes pour le plaisir, des hommes pour la puissance, mais ne faites rien de bas.

» Pour que l’ennui ne vous chasse pas comme moi prématurément de ce monde dès que la saison du plaisir sera close, ménagez à votre âge mûr les émotions de l’ambition et de la vie publique. Ne vous engagez pas avec le gouvernement régnant : il vous est réservé d’en entendre faire l’éloge par ceux qui l’auront renversé. C’est la mode française. Chaque génération veut sa proie. Vous sentirez bientôt la poussée de la génération nouvelle. Préparez-vous de loin à en prendre la tête.

» En politique, mon fils, vous n’ignorez pas que chacun a les principes de son tempérament. Les bilieux sont démagogues, les sanguins sont démocrates, et les nerveux sont aristocrates. Vous êtes à la fois sanguin et nerveux. C'est une belle constitution. Elle vous permet de choisir. Vous pouvez, par exemple, être aristocrate pour votre compte personnel et démocrate pour le compte d’autrui. Vous ne serez pas le seul.

» Rendez·vous maître de toutes les questions qui peuvent passionner vos contemporains; mais ne vous passionnez vous-méme pour aucune. En réalité, tous les principes sont indifférents; ils sont tous vrais ou faux suivant l’heure. Les idées sont des instruments dont vous devez apprendre à jouer opportunément pour dominer les hommes. Dans cette voie encore, vous aurez des camarades.

» Sachez, mon fils, qu’arrivé à mon âge et lassé de