Non pas, non pas, mon cher duc, vous êtes trop modeste ; ne me refusez pas ce service, je vous prie. Pendant ce temps-là je vais, sur la même question, travailler avec Olivares. Menez-vous là, vous dis-je… (Il lui indique la table de gauche, À Olivares, montrant la table de droite.) Et vous ici.
Sur la même question ! allons.
Comment donc avez-vous laissé échapper ce maudit homme ?
Ils entament la question.
Sire, je n’y conçois rien. J’ai vu sortir le duc avec don Riubos et ses hommes. Il faut qu’il ait trouvé moyen de les enfermer à sa place.
C’est le diable en personne. (Riubos passe la tête par la porte de droite ; voyant le roi, il se retire vivement.)
Je l’ai parfois pensé.
Il m’exaspère ! Je donnerais une de mes provinces pour avoir un moyen de l’éloigner ce soir du palais avant qu’il n’ait emmené la duchesse !
Eh bien ! sire ?
Eh bien ! cherchez ce moyen.
Sire, je l’ai cherché.
Et trouvez-le…
Sire, je l’ai trouvé.
Ah !
Ils font de la haute politique.
Mais puis-je compter que Votre Majesté ne me désavouera point ? (Riubos montre une seconde fois sa tête.)
Pourvu que vous réussissiez et que le duc ne coure aucun danger.
Non, sire ; voici ce que c’est…
Non, non, j’aime mieux que vous ne me le disiez pas. Allez, allez ; seulement faites vile ce que vous ferez.
Mais, sire, il faut que je m’éloigne du palais, et je ne pourrai surprendre ce soir à dix heures le galant au mystérieux rendez-vous…
Eh bien ! j’ai besoin de respirer l’air du soir, je me charge de veiller sur cette terrasse ; n’est-ce pas là que se montre la dame inconnue ?
C’est là du moins que don Riubos a cru la voir.
Bien ! allez et hâtez-vous, car je n’ai plus aucun prétexte pour le retenir. (Olivares sort.)
Scène V.
Sire, j’ai fini.
Comment ! Dix lignes seulement ?
Les meilleurs plans, sire, ne sont pas les plus longs.
En effet, duc, les grands politiques sont toujours singulièrement concis… Dix lignes ! c’est bien, cher duc ; je vais lire cela sur cette galerie, et je vous dirai ce que j’en pense.
Mais il fait nuit, sire.
Il fait un clair de lune magnifique… (Commençant à lire.) « Le Portugal, à mon avis, ne peut être sauvé que par le séjour prolongé du roi dans cette province. » Jusqu’ici, c’est clair au moins, mon cher duc, et cela se comprend facilement. Attendez-moi là, je vous prie, attendez-moi là. (Il sort par le fond, traverse la galerie, et entre par la porte vitrée sur la terrasse.)
Scène VI.
Allendez-moi là ! Il est évident qu’il va m’arriver quelque chose… Mais quoi ?… Nous allons voir.
Scène VII.
Enfin vous êtes seul, monseigneur.
Oui, parfaitement seul, mon honorable ami. Approchez. Eh bien ?
C’est fait, monseigneur.
Arrêté ?
À neuf heures précises, comme vous me l’avez ordonné.
Bien. Vous a-t-il demandé qui le faisait arrêter !
Oui, monseigneur.
Et vous lui avez dit ?
Que c’était Votre Excellence
Bien. Où est-il ?
Chez lui, gardé à vue.
Bien. A-t-il résisté à vos hommes ?
Il les a bâtonnés.
Bien. Maintenant, cette femme que vous avez cru voir ?
Que j’ai vue, monseigneur.
Que vous avez cru voir, je le répète.
Pardon, Excellence, je ne comprenais pas.
Eh bien ! cette personne ?
Sortait par cette porte qui donne sur la terrasse.
Et suivait cette galerie extérieure ?
Oui, Excellence.
Et vous avez raconté cette vision ?
Au comte-duc, la croyant véritable, mon Dieu ! oui.
Qui l’a racontée au roi. Je comprends maintenant pourquoi Sa Majesté a préféré pour lire ma note la clarté de la lune à celle des bougies.
Monseigneur, il ne faut pas m’en vouloir ; j’ignorais en ce moment l’intérêt que Votre Excellence…
Vous en vouloir ? comment donc, capitaine, au contraire, je suis on ne peut plus content de vous.
Ah ! monseigneur !
Don Riubos, j’ai découvert dans vos tablettes Quelques frag-