Page:Feydeau - Gibier de potence, 1885.djvu/16

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Plumard.

J’étais herboriste, monsieur, et de mœurs honnêtes. Un jour, mademoiselle Lamballe m’envoya chercher parce qu’elle était souffrante. Elle avait des étourdissements ; grâce à mes soins, le lendemain, elle se portait à merveille. Je lui avais ordonné… de ne rien faire du tout. C’est très bon !

Lemercier.

Oui, mais seulement il ne faut pas en prendre beaucoup.

Plumard.

Le lendemain elle se portait à merveille et quinze jours après, je l’épousais… Cinq mois plus tard, monsieur, j’étais père de famille ! Ma femme me donnait un gros bébé parfaitement constitué.

Lemercier.

Allons donc !

Plumard.

Parole d’honneur ! C’est même un cas très rare ! vous savez. J’ai voulu dans l’intérêt de la science, adresser un rapport à l’Académie de médecine, mais ma femme s’y est opposée. C’est égal, j’aurais voulu voir comment les savants auraient expliqué cela ! Enfin qu’en pensez-vous, monsieur ?

Lemercier, se levant.

Mon Dieu, je dirais comme Suétone : « Illud omnem fidem excedit ! ».

Plumard, saluant.

Vous êtes bien honnête !… (À part.) Ce doit être un pharmacien !… (Haut.) Et voilà comment mademoiselle Lamballe est devenue madame Plumard, tout en conservant son nom de jeune fille pour le théâtre, parce que je ne tiens pas à ce que mon nom traîne sur les affiches.

Lemercier.

Vous avez raison… mais, dites-moi ? Madame… Plumard sait-elle que je suis là ?…