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Page:Feydeau - Gibier de potence, 1885.djvu/36

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que vous ! J’ai tué mon père, j’ai tué ma mère, j’ai tué mon frère, j’ai tué ma sœur, j’ai tué le concierge… (À part.) S’il ne m’arrête pas, je vais tuer tout le monde. (Haut.) J’ai tué…

Lemercier, de même, et se garant derrière la table de droite.

Qu’est-ce qu’il dit ?

Taupinier, de même.

J’ai fait des crimes en masse.

Lemercier, à part.

Ah ! mon Dieu ! et l’on me laisse avec cet homme ! mais c’est un guet-apens !

Il tourne autour de la table et gagne vivement le côté gauche, en empoignant sur son passage la chaise qui est près de la cheminée.
Taupinier, id.

En un mot, je n’aime que le crime et tous les criminels sont mes amis… C’est pourquoi, (À part.) Allons, du courage, il le faut ! (Haut.) c’est pourquoi je vous tends la main.

Sans regarder il saisit un des pieds de la chaise dont Lemercier se fait un bouclier.
Lemercier.

Qu’est-ce qu’il dit ?

Taupinier.

Parce que je sais que vous aussi, vous êtes un grand, un très grand malfaiteur…

Lemercier.

Hein ! quoi ? je !… moi !… Tu… (À part.) Il me prend pour… Oh ! de l’aplomb. (Haut et reposant avec force à terre la chaise qui écrase le pied de Taupinier.) Vous avez raison, monsieur. (Il lui tend la main.) Je suis heureux de vous serrer la main… cette main qui a trempé dans tant de crimes !… nous sommes dignes l’un de l’autre…