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Scène II

HUBERTIN[1].
La scène reste vide un instant. — Tout à coup on entend un bruit de clé dans la serrure de la porte d’entrée et celle-ci s’ouvre, livrant passage à Hubertin complètement ivre. — Il est en habit, son chapeau claque sur la tête, le gilet boutonné de travers, la cravate défaite, son mouchoir mis en foulard autour du cou ; sans fermer la porte dont le battant reste ouvert, après avoir retiré la clé de la serrure extérieure, il s’avance d’un pas incertain, pressant de son bras gauche contre son cœur un paletot (de couleur claire autant que possible) qu’il tient le col en bas, les manches ballantes le long de ses jambes. — Dans sa main droite il a une lanterne électrique de poche, mais comme il la tient à l’envers, au lieu d’éclairer devant lui, il s’éclaire l’estomac. — Arrivé ainsi tant bien que mal jusqu’à proximité du lit, il s’arrête, essaie deux fois de suite infructueusement de siffler, s’essuie les lèvres du revers de la main, renouvelle son essai et parvient enfin à sortir un sifflement à peu près net.
Hubertin, arrivant à siffler.

Ffiuitt ! (Parlant dans la direction du lit, croyant être

  1. Il est important, pour donner bien le caractère du rôle, de marquer la distance qui existe entre l’ivresse de l’homme du monde qui est celle d’Hubertin et l’ivresse vulgaire. Hubertin ne doit pas tituber, mais seulement osciller en marchant ; de temps en temps un pied s’accroche dans l’autre mais l’homme reprend tout de suite son équilibre : l’ivresse est surtout dans la tête ; la paupière est lourde, mais le parler est net, jamais traînard, s’embarrasse quelquefois sans tomber jamais dans le pâteux.