Page:Feydeau - Le Bourgeon, 1906.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

j’ai compris que j’aimais l’inaccessible ; qu’un mot l’éloignerait à jamais. Alors j’ai refoulé cet amour, je me suis tue pour le garder, n’ayant plus qu’une terreur, c’est qu’il apprît ce que j’avais été, tant je tremblais qu’il me méprisât !… Et je l’ai revu souvent depuis ; peu à peu, j’ai subi l’ascendant de sa parole, qui a été pour moi comme une eau lustrale, comme un bain purificateur ; aussi la pensée que j’ai pu le désirer m’apparaît aujourd’hui comme une monstruosité ; si je l’aime, si je l’aime toujours, du moins c’est d’un amour noble, immatériel, quelque chose comme un amour spirituel.

Guérassin, narquois.

Ah ! tu le trouves spirituel !

Paulette, qui, pendant tout ce qui précède, est restée debout au-dessus de la table, à prendre un petit verre de liqueur.

C’est idiot, on n’aime pas dans le clergé !

Elle va s’asseoir dans le fauteuil au-dessus de la cheminée.

Cléo, à Paulette.

Tu parles !… (A Etiennette.) Qu’est-ce que tu peux espérer ?

Etiennette, vivement et avec conviction.

Oh ! rien ! je n’espère rien !