Page:Feydeau - Le Juré, monologue, 1898.djvu/15

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se consultaient : "Eh bien ! qu’en pensez-vous ? me condamnerez-vous ? — Oh ! moi, ça m’est égal, je ferai ce que vous ferez. — Oh ! non, après vous ! — Je n’en ferai rien ! " Ça aurait pu durer longtemps comme ça, quand, à ce moment, ils entendent dans l’auditoire une personne qui disait à une autre : "Ah ! parlez-moi de celui-là, voilà un criminel qui a véritablement mérité la guillotine ! " Ça a tranché la difficulté ! Mes deux jurés ont voté pour la peine de mort… et savez-vous de qui la personne parlait !… de Troppmann !… Ce n’est pas sérieux !

C’est comme ce qui manque aussi la plupart du temps au jury, c’est la logique ! C’est le raisonnement dans le jugement ! Enfin, l’autre jour, mes collègues n’ont-ils pas condamné à une bagatelle de trois ans de réclusion un scélérat qui avait défoncé et mis au pillage la vitrine de trois bijoutiers ? Et vous trouvez que c’est suffisant ! On aurait dû le condamner à mort comme exemple pour les autres ! Enfin, je suis bijoutier, moi ! Ah ! il aurait dévalisé une boulangerie, mon Dieu, je dirais… Mais des vitrines de bijoutiers, ah ! non… ou bien alors, qu’est-ce qui me protège ?