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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/161

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Voix de Gabrielle. — On n’entre pas !…

Édouard fait un signe, de tête indiquant qu’il en prend son parti et philosophiquement, se dirige vers le canapé où est étendu Samuel, ne le voit pas et s’assied sur lui.

Samuel, se réveillant en sursaut. — Oh !

Édouard, se redressant. — Hein ?…

Samuel. — Espèce d’animal !

Édouard. — Le domestique !

Samuel, reconnaissant Édouard. — Monsieur Lambert !

Édouard. — Eh bien ! ne vous gênez pas, mon garçon !

Samuel, balbutiant en se frottant le ventre. — Oh ! je… je demande pardon à monsieur de m’être assis sous lui… Je ne vous ai pas fait mal ?

Édouard. — Non ! tu es capitonné !- mais regarde-moi donc ! Qu’est-ce que c’est que cette mine de papier mâché ?

Samuel. Ah ! monsieur a vu ça tout de suite ! Ce que c’est que d’être médecin… Eh bien, monsieur, je crois que j’ai… Je demande pardon de dire ce mot-là à monsieur… la gueule de bois.

Édouard, riant, — Ah ?… Et qu’avons-nous fait pour avoir cette "gueule de bois ?"

Samuel, comme pour s’excuser. — C’est moi qui étais chargé de rincer les verres.

Édouard. — Oui ! et tu y a mis de la conscience… Dis-moi, où sont tes maîtres ?

Samuel. — Pas encore vus !… dans leurs chambres !…

Édouard, regardant sa montre et passant au I. — Diable !… on m’a l’air de faire la grasse matinée à Valfontaine…

Samuel. — Oh ! Aujourd’hui ! par extraordinaire !… Ainsi monsieur a quitté Paris, a planté là tous ses malades pour venir nous retrouver.

Édouard. — Mon Dieu, oui.

Il s’assied sur le canapé.

Samuel, derrière le canapé. — Quand je dis "nous", bien entendu, c’est une expression d’office, je n’ai pas la fatuité de me mêler…

Édouard. — Mais tu as tort ! Tu me plais beaucoup !…

Samuel. — Monsieur est bien bon… Je sais bien qu’à première vue, je ne plais pas tout de suite ; mais pour monsieur, qui est connaisseur…

Édouard. — Oui.

Samuel. — D’abord, beaucoup de gens me croient juif, parce ce que je m’appelle Samuel : mais ça n’est pas mon vrai nom ! je ne l’ai pris que parce que ça aide dans les affaires…

Édouard. — Je te remercie de ces confidences.

Samuel. — Oh ! si j’avais pu prévoir que ça intéressât Monsieur. (Reprenant.) Mon père, qui était de Tourcoing…

Édouard. — Ah ! non, gardes-en pour la prochaine fois ; la suite à demain, hein ?

Samuel. — À demain ? Ah ! alors monsieur nous reste… Ah ! c’est égal, pour venir si souvent jusqu’ici, il faut que monsieur aime bien Monsieur…

Édouard. — Oh ! Monsieur et Madame !…

Samuel, d’un air fin. — Oh ! Monsieur, surtout ! Je suis très physionomiste, moi, monsieur… Eh bien ! j’ai remarqué une chose, c’est que, quand vous étiez seul avec Madame, certainement vous étiez très aimable avec elle, mais sitôt que Monsieur arrivait entre vous, crac, Madame