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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/170

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voilà ! (À part.) Sapristi ! je ne sais pas comment je vais placer mon gros poulot, moi ! (Toussant et prenant son élan) Eh bien ! Hum ! hum ! Eh bien, mon…

Miranda, — Mon ?

Charançon, n’osant plus, — Eh bien, mon… Dieu ! voilà !

Miranda. — Ah ! oui ! voilà !

Charançon, répétant machinalement, — Voilà ! voilà !

Moment de silence.

Charançon, embarrassé, ne sachant que dire. — Madame votre mère va bien ?

Miranda. — Mais très bien ! je vous remercie ! elle m’avait accompagnée, mais comme elle était un peu altérée, elle est entrée chez le marchand de vin d’en face, prendre un cassis.

Charançon. — Un cassis ?

Miranda. — Avec de la fine champagne !

Charançon. — Ah ! c’est un mêlé casse !…

Miranda, marivaudant, — C’est même là les agréments de la campagne : une dame peut s’aventurer chez un marchand de vins sans que…

Charançon. — Evidemment !… Evidemment, ça se fait beaucoup ! oui… (Machinalement.) Oui, voilà ! voilà ! (Prenant son élan.) Hum ! hum ! Eh bien, mon…

Miranda. — Mon ?…

Charançon, n’osant plus. — Eh bien, mon… Dieu, voilà !

Miranda. — Ah ? bien !… (À part.) C’est un tic !

Charançon, à part. — Ça ne sort pas !

Miranda, se levant. — Monsieur le maire ! je ne veux pas vous ennuyer plus longtemps !

Charançon, naïvement. — Oh ! mais ! je suis là pour ça… Non ! ce n’est pas ce que je voulais dire.

Miranda. — Je me retire !

Charançon, courant à elle, — Mais non ! mais non !

Miranda. — Qu’y a-t-il ?

Charançon. — Vous ne partirez pas comme ça ! moi qui justement avais… à vous dire…

Miranda. — Quoi donc ?

Charançon. — Non ! je n’ose pas, je n’ose pas !

Miranda. — Allez donc !

Charançon, hésite un instant, puis brusquement prend son courage à deux mains. — Dis donc, mon gros poulot, veux-tu souper ce soir avec moi ?…

Miranda, ahurie. — Oh !

Charançon, à part. — Ça y est, elle va me gifler !

Miranda, éclatant de rire. — Oh ! oh ! t’es bête !

Charançon, stupéfait. — Hein !… Comment !

Miranda, descendant à gauche. — Eh bien ! vous êtes de jolis cocos dans l’administration !…

Charançon, riant aussi. — Mon Dieu, oui ! nous le sommes !… Nous le sommes, de jolis cocos dans l’administration !… Alors tu acceptes ?

Miranda. — Oh ! vous me tutoyez ?…

Charançon — Non ! je ne te tutoie pas ! Seulement je vous dis : "alors, tu acceptes ?…" hein ?… hein, dis ?

Mais, dis donc oui, voyons !…

Miranda. — Mon Dieu ! un souper ! ça n’engage à rien !