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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/173

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Gratin. — Mon Dieu, madame, je vous avouerai…

Charançon. — Là ! il avoue ! Tu vois ! il avoue !… qu’il est avoué ! et quand un avoué avoue qu’il est avoué…

Gratin. — Comment ! j’avoue ! j’avoue que je suis commis…

Charançon, — Commis… commis aux affaires judiciaires ! comme tous les avoués, parbleu !

Gratin, continuant, — … Voyageur…

Charançon. — Et voyageur ! il est aussi voyageur ! il a toutes les qualités, cet homme-là ! Et maintenant, mes enfants… Parlons d’autre chose ! parlons d’autre chose !…

Gabrielle. — Mais pourquoi, mon ami ? Tu as l’air troublé !

Charançon. — Mais non, c’est toi avec tes questions : tu lui dis qu’il est avoué ? Il le sait bien qu’il est avoué ! Il y a quarante ans qu’il est avoué.

Gratin, à part. — Ils ont l’air d’avoir quelque chose, dans cette maison.

Gabrielle. — Allons ! vous devez avoir à causer ! je vous laisse !

Elle se dirige vers sa chambre.

Charançon, l’accompagnant. — Oui, c’est ça, tu comprends ! Nous avons à parler de notre procès.

Gabrielle, prise d’une idée subite. — Ah ! quelle idée ! (À son mari.) Attends !

Charançon, inquiet. — Qu’est-ce qu’il y a ?

Gabrielle, allant du n° 2, à Gratin en passant devant son mari. — Monsieur Gratin, j’ai quelque chose à vous demander.

Gratin, sans voir les signes désespérés que lui fait Charançon derrière le dos de Gabrielle. — Quoi donc ?

Gabrielle, après avoir jeté un coup d’œil d’intelligence à son mari, comme très satisfaite de son idée, — Si vous étiez bien gentil, si ça vous était égal, mon mari ne plaiderait pas son procès, hein ? Qu’est-ce que ça peut vous faire ?

Gratin. — Moi !… mais je m’en moque !

Charançon. — Animal !

Gabrielle. — Ah ! merci ! (À Charançon, en passant devant lui.) Tu vois, mon ami, ça n’est pas plus difficile que ça.

Charançon, riant jaune. — Oui, ça n’est pas plus…

Gabrielle. — Je vous laisse.

Elle sort par la gauche, premier plan.

Scène XIII

Charançon, Gratin, puis Édouard, puis Gabrielle

Charançon, redevenant brusquement sérieux aussitôt sa femme sortie. — Ah ! tu n’as pas changé !…

Gratin, qui rit toujours parce qu’il a vu rire Charançon. — Non !

Charançon. — Brute ! idiot ! crétin !

Gratin. — Hein ! Qu’est-ce qu’il y a ?

Charançon. — Mais, tu ne vois donc pas que tu fais bourdes sur bourdes ! Tu n’as donc pas compris que j’ai dit à ma femme que tu étais mon avoué !