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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/174

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Gratin. — Moi ? mais c’est mon cousin qui est avoué ! Moi, je suis commis voyageur en jarretières,

Charançon. — Même pas avoué ! Ça fait pitié ! Enfin ! comment vais-je aller à Paris, maintenant ?

Gratin. — Tu veux aller à Paris ?

Charançon. — Eh ! Tu ne l’as pas encore compris ? (À part.) Il est encore plus abruti qu’à l’Ecole.

Gratin. — Eh ! on s’explique ! (À part.) Ah ! il est encore plus abruti qu’à l’Ecole.

Édouard, entrant précipitamment du fond, un télégramme à la main. — Cités ! Nous sommes cités ! (À Charançon.) Votre femme ! Où est votre femme ?… (Voyant entrer Gabrielle.) Ah ! la voilà…

Gratin, à Gabrielle. — Ah ! Madame, j’ai compris…

Charançon, flairant un nouvel impair de Gratin et l’entraînant au fond. — Oui, tu as compris que le jardin est par là…

Édouard, bas et vite à Gabrielle. — Ça y est ! je reçois ce télégramme ! Nous sommes cités demain en police correctionnelle !

Gabrielle, se trouvant mal sur le canapé. — Nous ?… Ah !

Édouard. — Ah ! mon Dieu, Charançon !

Charançon, se précipitant suivi de Gratin, vers sa femme. — Gabrielle ! Qu’est-ce que tu as ?

Gabrielle. — Rien ! un étourdissement.

Charançon. — Ah ! mon Dieu ! des sels. (À Gratin.) Viens chercher des sels !

Il sort par la droite en poussant Gratin devant lui.

Gabrielle. — Ah ! mon Dieu, cités, nous !

Édouard, à Gabrielle, — Il faut absolument que nous allions demain à Paris.

Gabrielle. — Oui, et mon mari qui devait aller plaider… et que j’ai fait rester à présent.

Charançon, rentrant. — Voilà les sels.

Gabrielle. — Merci, mon ami. (Elle respire des sels, puis très naturellement.) Mais, que vois-je ! Tu n’es pas prêt !

Charançon. — Prêt ? Pourquoi faire ?

Gabrielle. — Mais, pour aller à Paris… le train part dans un quart d’heure.

Charançon. — À Paris ? mais tu m’avais dit ?…

Gabrielle. — Je t’ai dit ! je t’ai dit ! mais tu n’as pas pris ça au sérieux… Je n’ai pas le droit de t’empêcher de faire tes affaires… tu te dois à ta profession !…

Charançon. — Parbleu !

Gabrielle, — Et M. Gratin… M. Gratin, au fond, ne me le pardonnerait pas, n’est-ce pas, monsieur Gratin ?

Gratin, qui ne veut plus se compromettre. — Je ne sais pas… Je ne sais pas…

Charançon, bas à Gratin. — Mais dis donc oui ! Il n’ose plus parler maintenant !

Il revient près de Gabrielle.

Gabrielle. — Dépêche-toi ! Ta valise est-elle prête ?

Charançon. — Ce ne sera pas long !… Samuel !

Tous. — Samuel ! Samuel !