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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/180

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Charançon. — Eglantine !

Miranda. — Oui ! tu sais ! Eglantine qui était à la droite au souper de Valfontaine, cette grande blonde très comme il faut.

Charançon. — Oui, "très comme il faut !" enfin, c’est toi qui le dis… celle qui fait tout le temps des petites boulettes avec son pain.

Miranda. — Oh ! elle ne fait ça que dans les grands dîners…

Charançon. — Ah ! bon !

Miranda. — Tu sais on sert si lentement…

Charançon. — C’est évident ! ça se fait beaucoup ! Oui ! c’est évident, c’est évident.

Miranda. — Eh bien, elle sera ici à deux heures !

Charançon. — Ah ! elle sera… eh ! bien c’est embêtant !… (Changeant de ton.) Et comment va-t-elle ?

Miranda. — Qui ?

Charançon. — Ta mère ?

Miranda. — Ma mère ?

Charançon. — Oui, ta mère à la mort !

Miranda, qui n’y est pas. — Ah ! oui, ma mère à la… je n’y étais plus… Oh ! ce n’est rien ! elle avait avalé une arête !

Charançon. — Une arête !… une arête de poisson ?

Miranda. — Oui ! ça lui arrive tout le temps ! mais nous l’avons sauvée en lui fourrant de la mie de pain !

Charançon. — Allons ! tant mieux ! tant mieux ! Oui, voilà (Machinalement.) Voilà ! voilà ! (Riant.) Eh ! Eh ! cette bonne Miranda !… mon gros poulot !

Miranda. — Eh ! Eh ! petit dissipé !

Charançon. — Eh bien ! nous voilà seuls tous les deux. Comme c’est drôle la vie, hier encore nous ne nous connaissions pas ! Que de jours se sont passés depuis hier !

Miranda. — Ah ! ne parle pas de ça ! Charançon ! Euh ! quel est ton petit nom ?

Charançon. — Joseph !

Miranda. — Oh ! Tu as tort !

Charançon. — T’es bête… Tiens, approche ta chaise ! (L’enlaçant.) Ah ! la voilà, la grande vie ! la voilà !

Miranda. — Oui ! voilà comme je voudrais vivre éternellement dans tes bras, nuit et jour !

Charançon, riant. — Je te crois !… seulement il y a l’heure des repas.

Miranda. — Nous serions si heureux ensemble ! nous irions tous les deux bien loin !

Charançon. — Dans la Beauce !… Ah ! mon gros poulot !… (Coup de sonnette.) Qu’est-ce que c’est que ça ?

Scène V

Les Mêmes, Samuel, Pinçon

Samuel, entrant, du fond, — On demande le docteur Lambert !

Charançon, furieux. — Mais il n’est pas là ! Tu sais bien que ce n’est pas moi le docteur Lambert.