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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/193

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Caponot. — C’est une petite femme mariée.

Charançon. — Ah ! il y a un mari ?

Caponot. — Mais oui !

Gratin. — Et naturellement, il ne se doute de rien ?

Charançon, avec conviction. — Quel idiot !

Caponot. — Mais au fait, vous connaissez l’amant, puisque vous demeurez chez lui ?

Charançon. — Moi !

Caponot. — Ou alors, c’est lui qui demeure chez vous ?

Charançon. — Chez moi ?

Caponot. — Eh bien, oui ! Rue Saint-Roch, Édouard Lambert.

Charançon. — Édouard Lambert ? Allons donc ! C’est Édouard Lambert…

Caponot. — Mais oui.

Charançon. — Ah bien ! Elle est raide, celle-là ! Comment ! Il a une maîtresse, cet animal ? Où diable trouve-t-il le temps ? Il ne sort pas de chez nous !

Caponot, remontant. — Dites donc ! je ne suis pas très au courant ! J’ai là ma citation de témoin, je n’ai pas à la faire viser ?…

Charançon. — Adressez-vous au greffe.

Caponot. — Où est-il, le greffe ?

Charançon. — Je vais vous montrer ça.

Il remonte ainsi que Caponot qu’il dirige vers la porte du fond, à gauche.

Gratin, qui est resté en place, immobile et piteux, d’une voix navrée. — Charançon !… Charançon !

Charançon, redescendant un peu. — Quoi !

Gratin. — Enfin, me diras-tu… pourquoi tu m’as fait mettre une robe ?… Je n’ai pas le droit d’en porter, si on me pince, on m’arrêtera.

Charançon. — Oui ? Eh bien ! Je te défendrai. Tiens, c’est une occasion.

Gratin. — Tu es bien bon ! Il était bien plus simple de ne pas me travestir ainsi.

Charançon. — Je te demande pardon ! Ma femme va venir ! elle te croit mon avoué ! et comme tel, tu dois être en robe ! Tu te dois à ta profession !

Gratin. — Puisque ce n’est pas ma profession !

Charançon. — ça ne fait rien ! ma femme nous trouve en tenue et les apparences sont sauvées.

Il remonte.

Gratin, remontant derrière lui. — Tiens ! Tu es un Machiavel !

Charançon. — Non ! un Charançon ! (Voyant Gratin qui veut le suivre.) Toi, reste là… Voyez-vous ça, ce mâtin d’Édouard !

Il sort.

Scène IV

Gratin, puis Samuel, puis le Premier Municipal, puis Édouard

Gratin, reste un instant, la mine allongée, à considérer le tribunal, — Eh bien, il me laisse seul ?… Seul avec ma robe… Et si l’on vient me demander pourquoi… Oh ! je ne suis pas tranquille… (Brusquement il semble