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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/234

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Vildamour. — Entendu.

Follbraguet. — Et puis, couvrez-vous la bouche. Faites attention de ne pas attraper froid sur votre dent. Mais vous emportez ma serviette !

Vildamour. — Oh ! pardon…

Il pose la serviette sur le dossier du fauteuil opératoire. Adrien ayant ouvert la porte pour laisser passer Vildamour, on aperçoit, dans le vestibule, Marcelle se chamaillant avec Hortense. Toutes deux parlent à la fois.

Marcelle. — Et puis, en voilà assez ! Quand je vous dis une chose, vous n’avez pas à me dire non !

Follbraguet. — Quoi, quoi, qu’est-ce qu’il y a ?

Vildamour, suivi d’Adrien, en passant devant Marcelle. — Pardon, madame !

Marcelle, vite et sèchement. — Bonjour, monsieur.

Follbraguet. — Le vestibule n’est pas un endroit pour discuter avec les domestiques, surtout à l’heure de ma consultation.

Marcelle, faisant irruption dans le cabinet de Follbraguet et lui tendant un manchon qu’elle tient à la main. — Mon ami, veux-tu toucher ça ?

Follbraguet. — Je te dis que le vestibule…

Marcelle. — Eh bien ! quoi, je n’y suis pas, dans le vestibule ! je suis dans ton cabinet. Veux-tu toucher ça ?

Follbraguet, touchant machinalement. — Mais pourquoi ?… Ah ! qu’est-ce que c’est ? C’est mouillé.

Marcelle, triomphante. — Ah ! tu trouves aussi que c’est mouillé.

Hortense, qui est restée sur le pas de la porte. — Je n’ai jamais dit le contraire.

Follbraguet, flairant machinalement ses doigts. — Eh ben, après ?… Quoi ! c’est de l’eau.

Marcelle. — De l’eau ! ah ! tu trouves que c’est de l’eau.

Follbraguet. — Dame ! puisque c’est mouillé !

Hortense. — Là !

Marcelle. — C’est du pipi du chat !

Follbraguet, furieux. — Oh ! mais tu me dégoûtes !

Marcelle. — Si c’est comme ça que tu t’y connais.

Follbraguet, allant se rincer au lavabo. — Et tu me fais toucher ça !

Hortense. — Mais non, monsieur ! C’est Madame qui veut absolument que ce soit ma chatte qui soit allée s’oublier sur son manchon. Or, comme il est universellement connu que ma chatte ne va jamais dans l’appartement, alors, je me demande comme elle aurait fait.

Marcelle. — Mais, sapristi, il n’y a qu’à sentir ! (À Follbraguet.) Tiens, sens !

Follbraguet. — Mais non !

M. Jean, paraissant de droite, il est en tenue de travail, veston de toile blanche. — Vous m’avez fait demander, Monsieur Follbraguet.

Follbraguet, tout en s’essuyant. — Oui !

Marcelle, lui tendant son manchon. — Monsieur Jean, voulez-vous me dire ce que ça sent ?

Follbraguet. — Ah ! non, je t’en prie !