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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/237

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Follbraguet. — Oh ! que tu m’embêtes !

Marcelle, remontant et appelant. — Hortense ! Hortense !

Follbraguet. — Allons ! je t’en prie ! je t’en prie !

Marcelle. — Hortense !

Voix d’Hortense. — Madame ?

Follbraguet. — Oh ! quelle existence !

Marcelle, à Hortense qui paraît. — Entrez ! que Monsieur vous mette à la porte !

Follbraguet. — Mais pas du tout ! du tout !

Marcelle. — Mais si, quoi !

Follbraguet. — Oh !

Marcelle. — Je viens de dire à Monsieur la façon dont vous vous êtes permis de me parler. Il est indigné.

Follbraguet, rongeant son frein. — Non, c’est exaspérant !

Marcelle. — Là ! vous l’entendez ! Monsieur dit que c’est exaspérant !

Hortense. — Est-ce bien pour moi que Monsieur dit ça ?

Marcelle. — Vous n’allez pas insinuer que c’est pour moi ?

Hortense. — Je ne sais pas.

Marcelle. — Tu entends ! Tu entends comme elle me parle ! mais enfin, dis donc quelque chose, toi ! aie donc le courage de parler aux gens en face !

Follbraguet. — Mais qu’est-ce que tu veux que je dise ?

Marcelle. — Voilà une fille qui me répond à une observation : « Je m’en fous ! », tu admets ça ?

Follbraguet, sans conviction. — Non.

Marcelle. — Eh ! bien, alors, si tu ne l’admets pas, prouve-le en la mettant à la porte ! (Un temps.) Eh bien ?

Follbraguet. — Ben ! attends… quoi !

Hortense. — Je serai évidemment désolée de quitter la maison à cause de Monsieur, qui a toujours été bon, mais si Monsieur l’exige.

Follbraguet. — Aussi, ma fille, comment avez-vous dit à Madame : « Je m’en fous » ?

Marcelle. — Mais il n’y a pas à savoir comment elle l’a dit ! il n’y a pas plusieurs façons de dire : « Je m’en fous ! » Je n’admets pas qu’une femme de chambre se serve vis-à-vis de moi d’expression de charretier ! elle m’a dit : « je m’en fous » ! eh bien ! fous-la dehors ! Un point, c’est tout.

Follbraguet, à Hortense. — Eh bien ! qu’est-ce que vous voulez, ma fille, puisque Madame y tient absolument, je vous fous dehors.

Hortense. — C’est bien, Monsieur. (Un temps.) Je regretterai Monsieur qui a toujours été bon pour les domestiques.

Marcelle. — Oui, c’est bon ! allez chercher votre livre, que l’on vous règle.

Hortense sort.

Scène III

FOLLBRAGUET, MARCELLE, puis ADRIEN,
puis Mme DINGUE

Follbraguet, adossé au bureau. — Pourquoi brusques-tu cette fille parce qu’elle me dit un mot aimable ?

Marcelle. — Oui, oh ! naturellement ! tu te laisses prendre à ça, si tu ne vois pas que c’est encore une impertinence à mon égard… par déduction…