Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/242

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Follbraguet. — Non, non, « pour acquit », pas en trois mots, c’est pas une interrogation. (Épelant.) P-o-u-r, plus loin… a-c-q-u-i-t !…

Hortense. — J’ai oublié de mettre les traits d’oignon.

Follbraguet. — Ce n’est pas utile. Signez.

Hortense, elle signe. — Voilà.

Follbraguet, se levant. — Je vais vous chercher ce qui vous est dû.

Hortense. — J’espère que Monsieur ne me gardera pas rancune.

Follbraguet. — Oui… ah ! vous aviez bien besoin de m’amener toute cette histoire !

Hortense. — Je le regrette bien, mais si Madame ne m’avait pas dit…

Follbraguet. — Ne vous avait pas dit quoi ?

Hortense. — Que c’était ma chatte qui avait fait…

Follbraguet. — Ah ! votre chatte. Qu’est-ce que ça vous fait, votre chatte ? Vous n’allez pas avoir de l’amour-propre pour votre chatte ! Ce n’est ni votre mère, ni votre sœur. Vous n’allez pas nous en faire une affaire Dreyfus !

Hortense. — Qu’est-ce que Monsieur veut ! Ce n’est pas parce qu’on est domestique qu’on doit se laisser dire n’importe quoi !

Follbraguet. — La belle affaire ! mais non, c’est plus fort que vous ! Il faut toujours que vous répondiez.

Hortense. — Enfin, Monsieur sait pourtant bien comment est Madame. Elle a toujours un ton pour vous parler.

Follbraguet. — Je ne dis pas…

Hortense. — On dirait que Monsieur ne le sait pas par lui-même. Quand on voit la façon dont souvent elle traite Monsieur.

Follbraguet. — Oui, oh ! ben, moi…

Hortense. — Et cela devant nous, vrai, qu’on en est gêné.

Follbraguet. — Oui, oh ! je sais bien…

Hortense. — Nous en parlions encore dernièrement à l’office : Adrien était indigné.

Follbraguet. — Ah !

Hortense. — Il disait — parce qu’Adrien, c’est un homme qui ne dit rien comme ça, mais qui voit très juste — il disait : « Vraiment, j’admire Monsieur. Avec une femme comme Madame, je ne serais pas resté vingt-quatre heures. »

Follbraguet. — Qu’est-ce que vous voulez…

Hortense. — Cette façon, encore hier, à table, pendant le service, d’appeler Monsieur de tous les noms… de le traiter de chapon…

Follbraguet. — Et c’est faux !

Hortense. — Mais je n’en sais rien, Monsieur, je n’ai pas à le savoir.

Follbraguet. — Ah ! oui, mais c’est que…

Hortense. — Chapon ! est-ce que c’est des choses à dire devant les domestiques ?

Follbraguet. — Ça… !

Hortense. — Comment monsieur veut-il que les domestiques le respectent après ça : « chapon » !

Follbraguet. — Oui, ça va bien…

Hortense. — Ah ! si les maîtres savaient le tort qu’ils se font comme ça !… Est-ce que les domestiques s’en vont parler de leurs petites affaires devant leurs patrons ?… ah ! non ! pas si bêtes !