Aller au contenu

Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Leboucq, la figure entourée d’un bandeau. — Monsieur, je souffre… J’ai une fluxion !

Follbraguet, rageur. — Eh bien, oui, ça se voit !… Asseyez-vous là !… et enlevez votre bandeau…

Il remonte au lavabo et remplit le verre d’un mélange de dentifrice et d’eau.

Leboucq, obéissant. — Oui, monsieur ! (Il s’assied. Après un temps.) Je crois que j’ai attrapé ça hier au théâtre, il y avait un courant d’air.

Follbraguet. — Oui, monsieur, ça n’a aucun intérêt dans l’espèce.

Leboucq. — Ah !… bien !

Follbraguet, posant le verre sur le meuble qui est près du fauteuil. — Ouvrez la bouche ! (Rongeant son frein, tandis que Leboucq obéit.) Oh ! mais, en voilà assez ! Il faudra que ça cesse !

Leboucq. — Comment ?

Follbraguet. — Non ! rien ! Ouvrez la bouche !

Leboucq, indiquant sa dent. — C’est là !

Follbraguet. — Oui, eh bien, c’est une mauvaise dent !

Leboucq, avec angoisse. — Ah ! alors…

Follbraguet. — Il faut l’extirper.

Leboucq. — Vous ne voulez pas la conserver ?

Follbraguet. — Pourquoi ? Je n’en fais pas collection…

Leboucq. — Me la conserver à moi.

Follbraguet. — Oh ! si vous y tenez, vous n’avez qu’à la garder !

Leboucq. — Oh ! mais, comme vous êtes maussade !

Follbraguet, cherchant un instrument dans son meuble. — Ah ! bien si vous étiez à ma place !… Ouvrez la bouche !…

Il lui introduit l’instrument dans la bouche ; pendant que Follbraguet lui arrache la dent.

Leboucq. — Ah ! ah ! ah !

Follbraguet, tout en tirant. — Mais ne criez donc pas ! Je suis déjà assez énervé ! Aïe donc !

Leboucq. — Oh !

Follbraguet. — Oh, bien ! il est joli, votre chicot ! Je vous conseille d’y tenir.

Il met la dent dans une toute petite boîte comme une boîte de pilules.

Leboucq, haletant. — Oh ! nom d’un chien ! Oh ! nom d’un chien !

Follbraguet. — Tenez ! rincez-vous la bouche !

Leboucq, défaillant à moitié. — Ah !

Il avale le contenu du verre.

Follbraguet. — Mais c’est pas pour boire, voyons !

Leboucq, idem. — Ah ! laissez-moi… Ah ! laissez-moi !

Follbraguet. — Allons ! allons ! vous n’allez pas vous trouver mal ?

Leboucq. — Ah ! je sens que je m’en vais…

Follbraguet. — Ne vous laissez pas aller… Tenez, vous allez vous étendre un moment ! (Allant à la porte, deuxième plan droit.) Monsieur Jean ! Monsieur Jean !

M. Jean, paraissant. — Monsieur !

Follbraguet, qui est redescendu vers Leboucq. — Tenez, emmenez Monsieur se reposer sur la chaise longue.