Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Follbraguet. — C’est insensé !… C’est insensé, monsieur ! Depuis ce matin, monsieur, c’est comme ça !… Oh !… Ouvrez la bouche !…

Il se remet à travailler.

Marcelle, à la cantonade. — Mais vous n’avez pas à vous faire de mauvais sang, ma fille, Monsieur n’est pas dans son état normal, il n’y a qu’à ne pas y faire attention ! (Follbraguet, qui entend tout, a peine à se contenir.) Il ne se formalise pas pour sa femme, mais il sait bien se formaliser pour lui. (Id. chez Follbraguet.) En tout cas, moi je vous dis que vous resterez ! Je suppose que je suis la maîtresse ici ! Si quelqu’un commande, c’est moi.

Follbraguet, posant son instrument avec violence sur la tablette, et se précipitant dans l’antichambre en refermant la porte sur lui, ce qui n’empêche pas de tout entendre. — Pardon, avant toi, il y a moi !

Marcelle. — Toi ! ah ! la la !

Follbraguet. — Il n’y a pas d’ah ! la la ! Tu n’as d’autorité ici que celle que je t’ai laissé prendre, mais tu oublies que le seul maître, c’est moi, et la preuve, c’est que j’ai mis ta cuisinière à la porte, et qu’elle va déguerpir à l’instant même.

La Cuisinière. — Mais, monsieur, c’est pas ma faute.

Follbraguet. — Oui, eh bien, vous vous en irez tout de même !

Marcelle. — Mais laissez-le donc… il est fou !

Follbraguet. — C’est possible, mais j’entends être obéi ! et en voilà assez ! Ah ! mais ! (Il rentre en faisant claquer la porte ; et redescend vers Vildamour.) Ouvrez la bouche !… Elle m’embête, à la fin… (Tendant machinalement le verre à Vildamour.) Tenez ! (Entendant le colloque qui continue derrière la porte, s’élançant vers la porte qu’il ouvre.) Et puis je vous réitère d’avoir à vous en aller d’ici !… J’en ai assez de vos discussions ! Allez vous-en !

Voix de Marcelle. — Ah ! mais, dis donc !

Follbraguet. — J’ai dit ! obéissez ! (Il referme la porte sur lui et redescend.) Qu’est-ce qui m’a donné… (Sans transition, à Vildamour.) Crachez !…

Vildamour obéit.

Voix de Marcelle. — Oh ! mais — j’en ai assez ! je quitterai la maison !

Follbraguet, ouvrant la porte. — Mais quitte-la, la maison ! Tu le répètes tout le temps, et tu ne t’en vas jamais ! Quitte-la !

Voix de Marcelle. — Parfaitement, je la quitterai.

Follbraguet. — Eh bien ! ce sera pain bénit ! (En refermant la porte sur lui.) Oh ! quel choléra !

Marcelle, rouvrant vivement la porte. — Qu’est-ce que tu as dit ?

Follbraguet, la faisant virevolter et l’envoyant dehors. — Eh ! va au diable !

Il referme la porte et met le verrou.

Marcelle, derrière la porte, la secouant pour ouvrir. — Veux-tu ouvrir ? Veux-tu ouvrir ?

Follbraguet. — Zut !… (À Vildamour.) Je vous demande pardon de cet intermède grotesque.

Vildamour, indulgent. — Oh !

Marcelle, surgissant du fond droit, et descendant à Vildamour. — Monsieur ! vous êtes témoin !… Vous êtes témoin qu’il m’a appelé choléra !

Vildamour, sous le bâillon. — Mais, madame !…