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Acte I

À Paris, chez Vatelin. Un salon élégant. Porte au fond. Deux portes à droite, deux à gauche. Mobilier ad libitum.

Au lever du rideau, la scène reste vide un instant. On ne tarde pas à entendre des rumeurs au fond, et Lucienne, en tenue de sortie, son chapeau un peu de travers sur la tête, fait irruption comme une femme affolée.

Scène première

Lucienne, Pontagnac

Lucienne, entrant comme une bombe et refermant la porte sur elle, mais pas assez vite pour empêcher une canne, passée par un individu qu’on ne voit pas, de se glisser entre le battant et le chambranle de la porte. — Ah ! mon Dieu ! Allez-vous en, monsieur !… Allez-vous en !…

Pontagnac, essayant de pousser la porte que chaque fois Lucienne repousse sur lui. — Madame !… Madame !… je vous en prie !…

Lucienne. — Mais jamais de la vie, monsieur !… Qu’est-ce que c’est que ces manières ! (Appelant tout en luttant contre la porte.) Jean, Jean ! Augustine !… Ah ! mon Dieu, et personne !…

Pontagnac. — Madame ! Madame !

Lucienne. — Non ! Non !

Pontagnac, qui a fini par entrer. — Je vous en supplie, madame, écoutez-moi !

Lucienne. — C’est une infamie !… Je vous défends, monsieur !… Sortez !…

Pontagnac. — Ne craignez rien, madame, je ne vous veux aucun mal ! Si mes intentions ne sont pas pures, je vous jure qu’elles ne sont pas hostiles,… bien au contraire.

Il va à elle.

Lucienne, reculant. — Ah çà ! monsieur, vous êtes fou !

Pontagnac, la poursuivant. — Oui, madame, vous l’avez dit, fou de vous ! Je sais que ma conduite est audacieuse, contraire aux usages, mais je m’en moque !… Je ne sais qu’une chose, c’est que je vous aime et que tous les moyens me sont bons pour arriver jusqu’à vous.

Lucienne, s’arrêtant. — Monsieur, je ne puis en écouter davantage !… Sortez !…

Pontagnac. — Ah ! Tout, madame, tout plutôt que cela ! Je vous aime, je vous dis ! (Nouvelle poursuite.) Il m’a suffi de vous voir et ç’a