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Scène V

Les Mêmes, Jean, Rédillon

Jean, annonçant au fond. — Monsieur Rédillon.

Lucienne. — Et arrivez donc, cher ami ! et venez à mon secours pour édifier monsieur. (Présentant.) Monsieur Ernest Rédillon, monsieur de Pontagnac, amis de mon mari… réciproquement. (Les deux hommes se saluent réciproquement.) Dites à monsieur, vous qui me connaissez, que je suis le modèle des épouses et que jamais je ne tromperai M. Vatelin, s’il ne m’en donne l’exemple.

Rédillon. — Hein ! comment ! pourquoi cette question ?

Lucienne. — Je vous en prie ! C’est monsieur qui voudrait savoir.

Rédillon, pincé. — Monsieur ? Ah ! c’est monsieur qui… Charmante conversation, vraiment ! C’est-à-dire que je me demande, étant donné son terrain, si je n’arrive pas là bien en intrus.

Lucienne. — Vous ? au contraire, puisque je vous appelle à mon aide.

Pontagnac. — Oh ! nous badinions.

Rédillon. — Ah ! c’est ça ! monsieur est sans doute un vieil… vieil ami, un intime, bien que je ne l’aie jamais vu dans la maison.

Lucienne. — Monsieur ? il y a vingt minutes que je le connais !

Rédillon. — De mieux en mieux ! Mon Dieu, ma chère amie, je regrette de ne pouvoir répondre à la question que vous me posez, mais ayant trop le respect des femmes pour aborder avec elles certains sujets de conversation que j’estimerais déplacés… dans ma bouche, je me déclare incompétent.

Il remonte à droite.

Pontagnac, à part. — Mais on dirait qu’il me donne une leçon, ce petit jeune homme.

Rédillon. — Vatelin n’est pas là ?

Lucienne. — Si ! il est là, en tête-à-tête avec un Corot ! Je vais même voir s’il ne s’est pas perdu dans le paysage et vous le ramener. Je vous ai présentés, vous vous connaissez ! Je vous laisse tous les deux.

Pontagnac et Rédillon s’inclinent, Lucienne sort à droite, moment de silence, les deux hommes se toisent à la dérobée.

Pontagnac, après un temps, à part. — Ca doit être la cousine, cet homme-là !

Scène VI

Rédillon, Pontagnac

Scène muette, les deux hommes sont remontés au fond et regardent les tableaux, ils redescendent comme cela petit à petit, l’un par la droite, l’autre par la gauche. De temps en temps ils se regardent à la dérobée, se toisant, mais affectant un air indifférent quand leurs yeux se rencontrent. Rédillon gagne le canapé sur lequel il se laisse tomber et commence à siffloter.

Pontagnac, assis près de la table. — Pardon ?