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Scène X

Les Mêmes, moins Vatelin et Pontagnac

Mme Pontagnac. — Oh ! c’est trop fort ! Voyons, madame, soyez franche. On se moque de moi ici ?

Lucienne. — Eh bien ! oui, madame ! (Mme Pontagnac va tomber sur la chaise près du pouf.) Aussi bien messieurs les hommes se soutiennent assez entre eux pour qu’entre femmes nous nous devions un peu de solidarité ! Oui, on se moque de vous !

Elle s’assied.

Mme Pontagnac. — Oh ! je m’en doutais !

Lucienne. — Votre mari n’est pas l’intime du mien, collègue d’un même cercle et voilà tout ! Jamais, avant ce jour, il n’a mis les pieds dans cette maison, et si vous l’y avez trouvé aujourd’hui, croyez bien que ce n’est pas un ami qu’il y était venu voir, mais une femme qu’il a poursuivie jusque dans son salon.

Mme Pontagnac. — Une femme !

Lucienne. — Oui, moi !

Mme Pontagnac. — Non !

Lucienne. — Après m’avoir suivie dans la rue avec une insistance que je qualifierais…

Rédillon, dans son fauteuil. — D’un mufle !

Mme Pontagnac. — Oh ! Oui !

Lucienne. — Il s’est retrouvé, pour son plus grand désappointement que cette femme était celle d’un de ses amis. Ce n’était pas de chance !… N’importe, votre mari vous a menti, et quant à ses prétendues visites ici, elles n’étaient qu’un alibi dont il couvrait ses fredaines !

Mme Pontagnac. — Oh ! le misérable !

Rédillon. — Voilà le mot !

Lucienne, se levant. — Excusez-moi, madame, de vous parler ainsi brutalement. Mais vous en avez appelé à ma franchise, je vous ai éclairée franchement !

Mme Pontagnac, se levant. — Vous avez bien fait, madame, et je vous en remercie.

Lucienne. — Aussi bien ai-je agi envers vous, comme je voudrais qu’on agisse avec moi si jamais mon mari…

Rédillon, avec découragement. — Oh ! oui !… mais lui, bernique !

Lucienne. — Mais heureusement, dites donc !

Mme Pontagnac. — Ah ! je vois clair à présent, et mes soupçons ne me trompaient pas ! Oh ! mais maintenant, je sais ce que je voulais savoir ! À nous deux, M. Pontagnac ! Je fais la morte, je vous épie, je vous fais filer, je vous surprends en flagrant délit, et alors !…

Elle descend.

Lucienne. — Et alors ?

Mme Pontagnac, prenant la chaise et la remontant auprès du canapé. — Ah ! ah ! ah ! Je ne vous dis que ça !

Lucienne. — La peine du talion ?

Mme Pontagnac. — En plein !

Rédillon, se levant. — Bravo !

Lucienne, s’échauffant à l’exemple de Mme Pontagnac. — Ah ! c’est comme moi ! si jamais mon mari !…

Rédillon. — Oui, oui !