Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/142

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Mme Pontagnac. — Après tout, quoi ? Je suis jeune, je suis jolie.

Lucienne. — Moi aussi !

Mme Pontagnac. — Ce n’est peut-être pas modeste, ce que je dis là…

Rédillon. — Ca ne fait rien, quand on est en colère, on n’a pas besoin d’être modeste !

Mme Pontagnac. — En tout cas, j’en trouverai plus d’un qui sera enchanté…

Rédillon. — Tiens, parbleu !

Lucienne. — Et moi donc ! N’est-ce pas, Rédillon ?

Rédillon. — Oh ! là, là, là, vous !

Mme Pontagnac. — Et ne croyez pas que je le choisirai ! Non, même pas ! Il me semble que ça m’empêcherait de savourer ma vengeance ! Non, n’importe qui, le premier imbécile venu !

Rédillon. — C’est ça !

Mme Pontagnac, à Rédillon. — Vous ! si ça vous fait plaisir.

Elle remonte.

Rédillon. — Moi ? Ah ! madame…

Lucienne. — Parfaitement ! Et moi aussi !

Rédillon. — Ah ! Lucienne !

Mme Pontagnac, redescendant. — Tenez ! donnez-moi donc votre nom, votre adresse ?

Rédillon. — Rédillon, 17, rue Caumartin.

Mme Pontagnac. — Rédillon, 17, rue Caumartin. Bon ! Eh ! bien, monsieur Rédillon, que je surprenne mon mari, j’accours et je vous dis : "Monsieur Rédillon, prenez-moi, je suis à vous !"

Elle se laisse tomber dans ses bras.

Lucienne, même jeu. — Et moi, aussi, Rédillon ! À vous ! À vous !

Rédillon, les deux femmes dans ses bras. — Ah Mesdames !… (À part.) C’est étonnant comme j’ai de la chance au conditionnel !

Bruit de voix.

Mme Pontagnac. — Nos maris ! pas un mot !

Scène XI

Les Mêmes, Vatelin, Pontagnac

Mme Pontagnac, à Vatelin et Pontagnac qui, peu rassurés, l’air piteux, restent dans l’embrasure de la porte. — Mais entrez, messieurs ! Qu’est-ce que vous avez à rester dans la porte ?

Vatelin. — Mais rien ! mais pas du tout !

Mme Pontagnac. — Eh ! bien, vous avez contemplé la galerie ? Vous êtes satisfait ?

Pontagnac. — Enchanté ! Enchanté ! (À part, rassuré.) Madame Vatelin n’a pas parlé ! (Haut.) Il y a là surtout quelques toiles… Ah !… des toiles ! de parents de grands maîtres…

Vatelin. — N’est-ce pas ?

Pontagnac. — Entre autres un Corot fils et un Rousseau cousin, vraiment, ce n’est pas la peine d’avoir des maîtres eux-mêmes.

Vatelin. — C’est ce que je dis. C’est aussi bien fait ; c’est, la plupart du temps, beaucoup plus soigné.

Rédillon. — Et ça coûte beaucoup moins cher.

Mme Pontagnac. — Eh ! bien, nous, pendant ce temps-là, nous