Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/160

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Rédillon. — Ah, çà ! c’est sérieux ! Ah ! bien, t’en as une santé ! Alors… non mais… Tu t’imagines que je vais m’en aller comme ça… le bec dans l’eau !

Armandine, adossée à la table. — Puisqu’il n’y a pas moyen ! J’attends un ami à onze heures !

Rédillon, allant s’asseoir sur le lit. — Un ami ! en voilà une raison ! Qu’est-ce que c’est que cet ami-là ?

Armandine. — Un monsieur de Londres ! Tu ne le connais pas. Monsieur Soldignac. Et alors, chaque fois qu’il vient à Paris…

Rédillon. — Mais c’est dégoûtant ce que tu me dis là !

Armandine, passant à gauche. — Enfin, quoi ! puisqu’il va venir !

Rédillon, se levant et descendant. — Eh bien ! n’y sois pas ! Sais-tu, viens chez moi !

Armandine. — Comment, chez toi !

Rédillon, lui prenant le bras. Jeu de scène. — Eh bien ! oui, chez moi ! J’ai un chez moi ; est-ce que tu crois que je loge sous les ponts ?

Armandine. — Mais que lui dire, à lui ?

Rédillon. — Eh bien ! tu lui feras dire que tu as été veiller ta mère qui est très malade ; c’est vieux comme le monde et ça prend toujours.

Armandine. — Oh ! c’est pas chic !

Rédillon. — Mais si, mais si, c’est très chic ! Tiens, mets ton chapeau et je t’emmène.

Armandine, allant à la cheminée. Elle prend son chapeau placé sur la cheminée avant le lever du rideau. — C’est pas chic, mais ça me tente.

On frappe.

Rédillon, Armandine. — Entrez !

Scène V

Les Mêmes, Le Gérant, puis Pinchard, Mme Pinchard, puis Victor

Le Gérant, entrant par le fond gauche. — Je demande pardon à monsieur et à madame de les déranger, mais les voyageurs qui ont loué cette chambre sont là,… et alors…

Armandine, mettant son chapeau. — Vous voudriez que nous caltassions.

Le Gérant. — Oh ! je ne me permettrais pas !

Armandine. — Je finis de mettre mon chapeau et je cède la place ! Priez ce monsieur, comment donc déjà…

Le Gérant. — Vatelin !

Rédillon. — Vatelin ?

Armandine. — Oui, de m’accorder une minute.

Rédillon. — Comment, Vatelin, ici ! Ah ! çà ! par quel hasard ! mais faites-le entrer, je serai enchanté de lui serrer la main.

Armandine. — Comment, tu le connais ?

Rédillon. — Mais je ne connais que lui !

Le Gérant, à Pinchard qu’on ne voit pas. — Si monsieur veut entrer.

Rédillon , remontant. — Ah ! ce cher ami ! (Voyant entrer Pinchard, tenue de médecin major, suivi de sa femme.) Oh ! pardon ! (À part.) Tiens, ce n’est pas le même.

Pinchard, pendant que sa femme fait des courbettes à Armandine et