Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/165

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Pinchard. — Ce que tu voudras, en plumes, en crin, la moitié du tien, voilà l’oreiller que je préfère.

Clara, scandalisée. — Mais Monsieur…

Pinchard. — Comment t’appelles-tu ?

Clara. — Eh ! bien, et toi ?

Pinchard, gagnant la droite. — Elle me tutoie. Ah ! ah ! elle me tutoie !

Clara, remontant au lit. — Tiens ! Est-ce que je vous ai permis de me tutoyer ?

Elle commence à faire la couverture.

Pinchard, allant à elle. — Mais ne te gêne donc pas, ma fille. (Lui pinçant la taille.) Ah ! tu me tutoies !

Clara, se dégageant. — Voulez-vous me laisser, Monsieur ! (Appelant.) Madame ! Madame !

Pinchard. — Oui, appelle, va, appelle !

Clara, à Mme Pinchard. — Voulez-vous faire taire Monsieur votre mari !

Mme Pinchard. — À Paris ? Oui, jusqu’à demain !

Clara. — Ah, çà ! mais elle est sourde !

Pinchard. — Comme une pioche, tiens ! tu es adorable !

Il l’embrasse.

Clara, lui envoyant un soufflet retentissant. — Tiens !

Elle remonte à droite.

Pinchard. — Oh !

Mme Pinchard, se retournant. — Ah ! Eh ! bien, tu l’as ?

Pinchard, se tenant la joue. — Nom d’un chien, oui !

Clara. — Monsieur désire-t-il autre chose ?

Pinchard, gagnant la droite. — Non ! Non, non, merci ! (À part.) Cré coquin, quelle poigne !

Mme Pinchard. — Tu as mal aux dents ?

Pinchard. — Non, non, c’est rien ? (Après une nouvelle tentative auprès de Clara. À Clara.) Vous direz en bas que l’on monte mon sac que j’ai dû laisser dans le bureau. Que je le trouve en rentrant !

Il prend son képi sur la cheminée.

Clara. — Bien, monsieur.

Elle va au lit.

Pinchard, à Mme Pinchard. — Allons, viens, coco ! (Sans voix.) Allons, viens !

Mme Pinchard, se levant. — Nous partons, je suis prête !

Pinchard. — Allons ! (En remontant.) La "Favorite" doit être terminée.

Il le lui dit sans voix.

Mme Pinchard. — Qu’est-ce que c’est que la "Favorite" ? (Il lui parle sans voix.) Oh ! je n’aime pas ces femmes-là !…

Pinchard. — Il en faut, Coco, il en faut.

Ils sortent.

Scène VII

Clara, puis Pontagnac

Clara, seule. — Je crois que je lui ai refroidi ses élans, au médecin militaire ! Il est bon, lui, avec la moitié de mon oreiller ! Ah, çà ! est-ce qu’il croit que si j’avais voulu mal tourner je l’aurais attendu ? Non, mais tout de même !…