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Scène XII

Vatelin, puis Lucienne, Pontagnac, Soldignac, puis Rédillon

Vatelin, remontant près du lit. — Ah ! non, ce que ça me dit ! Ce que ça me dit !… autant que de me ficher à l’eau ! Ah ! pauvre Vatelin, tu t’es fourré là dans un engrenage ! (Il s’assied sur le bord du lit et, pensif, s’abîme dans ses réflexions. Sous le poids de Vatelin, le timbre placé dans le lit, côté public, sonne. Après un bon temps, et sans quitter sa position.) C’est étonnant comme les sonnettes de cet hôtel font du train !

À ce moment, la porte de gauche s’ouvre sans bruit et Lucienne passe la tête. En reconnaissant son mari qu’elle voit de dos, elle lève deux grands bras au ciel et ouvre une bouche énorme. Mais, avant qu’elle ait eu le temps de pousser un cri, Pontagnac s’est précipité sur elle en faisant "non" de la tête comme pour lui dire qu’il n’est pas encore temps. En même temps, sa main droite a saisi la main droite de Lucienne et il la fait brusquement passer devant lui pendant que, de sa main gauche, il referme vivement la porte sur lui. Ce jeu de scène doit être absolument muet et durer l’espace d’un clin d’œil.

Vatelin, se levant et se retournant brusquement. — Hein ? (Ne voyant personne et riant.) Rien ! Ah bien ! Cela tient du prodige, ça, par exemple ! quelqu’un n’a pas remué dans cette chambre ? J’ai bien entendu cependant ! (Allant inspecter la porte de gauche.) Mais non, c’est fermé, le tour de clé y est, la porte est condamnée. Ah ! non, ce que c’est que l’illusion ! J’avais même senti le vent de la porte sur la tête ! J’ai eu le cauchemar, il n’y a pas ! C’est cette damnée Maggy… avec son thé à la strychnine. (Allant sonner.) Je vais même sonner pour le faire enlever, son sale thé. (Lisant la parcarte au mur.) La femme de chambre, deux coups ! Mazette ! (Il sonne deux coups, puis redescend.) Elle n’aurait qu’à avoir encore des velléités… (On frappe à la porte.) Ah ! bien, elle n’est pas longue à venir, la femme de chambre. (Haut.) Entrez !

Soldignac, entrant. — Adieu !

Vatelin, à part. — Soldignac ! Nom d’un chien, le mari ! (Haut.) Ah ! ah ! c’est vous ?

Soldignac. — Yes ! c’est moa !

Vatelin. — Ah ! ah ! ah ! vraiment !… Ah, çà ! comment êtes-vous ici ?

Soldignac, allant à la table. — Ah ! voilà ! ça vous intrigue, hé !

Vatelin. — Dame !… (À part.) Ah ! mon Dieu ! et sa femme qui est là !

Soldignac, s’asseyant. — J’étais en bas dans le bureau quand le groom que vous avez envoyé est venu dire : si quelqu’un demande M. Vatelin, le faire monter à la chambre 39.

Vatelin, à part. — Ah ! bien, j’ai eu une fière idée de l’envoyer dire ça au bureau.

Il veut remonter du côté de Maggy.

Soldignac, se levant et, tout en prenant le n° I, s’empare du bras