Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/179

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Maggy n’a que le temps de se cacher en se collant contre le lit.

Soldignac, sur le pas de sa porte. — Eh bien ! voyons, Vatelin !

Vatelin. — Mais, voilà ! je viens, je viens !

Il sort en ayant soin d’emporter la clé et de fermer à double tour derrière lui.

Maggy, seule, descendant en scène. — Ah ! que j’ai eu peur ! Ah ! Dieu, quand j’ai vu mon mari là, tout mon courage il est parti ! Ah ! non ! non ! je veux plus, je veux me en aller… (Cherchant son costume sur la chaise où elle croit l’avoir déposé.) Ma costume !… Où il a mis ma costume !… (On entend parler dans le couloir.) Ah ! mon Dieu, qu’est-ce que c’est encore !…

Elle se précipite dans la pièce de droite.

Voix de Pinchard. — Allons bon ! la clé n’est pas sur la porte et j’ai oublié de la demander en bas ! (Appelant.) Garçon ! voulez-vous m’ouvrir, s’il vous plaît ?

Voix de Garçon. — Voilà, monsieur.

La clé tourne dans la serrure. La porte s’ouvre et Pinchard et Mme Pinchard entrent. Le garçon s’efface pour les laisser passer.

Pinchard. — Merci, garçon.

Le Garçon. — Il n’y a pas de quoi, monsieur.

Il referme la porte.

Pinchard, à sa femme qu’il soutient en la faisant avancer. — Là ! là ! ne geins pas ! ça se passera ! Tiens, assieds-toi là. (Il la fait asseoir.) Sacrées crises hépatiques. va ! Il a fallu que ça la reprenne au théâtre. Nous avons dû nous en aller avant la fin. (Apercevant son sac.) Ah ! ils ont remonté mon sac ! je savais bien que j’avais dû le laisser en bas. (À sa femme qui le regarde d’un air doux et souffreteux. Ceci et les phrases suivantes sans voix en articulant seulement.) Eh bien ! ça ne va pas mieux ? (Mme Pinchard fait "non" de la tête.) Tu as toujours mal ? (Mme Pinchard fait "oui" de la tête.) Montre ta langue ! (Mme Pinchard tire la langue.) Elle n’est pas mauvaise ! (Mme Pinchard fait une moue signifiant : "elle ne doit pas être bonne".) Sais-tu, tu devrais te coucher. (Signe de Mme Pinchard : "tu crois ? tu as peut-être raison".) Mais oui ! (Mme Pinchard fait de la tête, avec un sourire triste : "Bonsoir".) Bonsoir ! (Elle remonte un peu, puis revient à son mari et l’embrasse. Haut.) Ah, oui ! l’anniversaire. (Il l’embrasse sur le front.) Vingt-cinq ans !… (Elle va, d’un pas languissant, entre le mur et la ruelle du lit, pour se déshabiller.) Moi, je vais lui préparer une potion calmante. (Il va à la cheminée, prend la bougie allumée et vient à la table sur laquelle il pose le flambeau, puis cherchant dans son sac.) Où est ma pharmacie ! (Sortant ses pantoufles.) Mes pantoufles ! (Il les jette devant lui, tire une autre paire.) Ah ! les siennes. Tiens coco !… pantoufles !… Hé ! Mules !…

Il va les porter à sa femme.

Mme Pinchard, derrière le lit. — Merci !

Pinchard, de son sac, sortant une camisole. — Ah ! un caraco ! (À sa femme.) Coco ! Caraco !

Il lui passe sa camisole.

Mme Pinchard. — Merci !…

Elle la met.

Pinchard, redescend à son sac. — Ah ! voilà ma pharmacie. (Ouvrant sa pharmacie de voyage.) Laudanum ! Laudanum ! Voilà le laudanum.