Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/181

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Lucienne et Pontagnac. — C’est pas lui !

Ils se précipitent dans la chambre de gauche.

Pinchard, se relève, sa bottine à la main et ; ne voyant plus personne, marche en boitant en cherchant de tous côtés. — Eh bien ! où sont-ils ! par où sont-ils passés ?

Victor, entrant vivement du fond. — Qu’est-ce qu’il y a, monsieur ! qu’est-ce qu’il y a ?

Pinchard, mettant une pantoufle. — Hein ?

Clara, entrant de même. — C’est monsieur qui sonne comme ça ?

Pinchard. — Moi !

Le Gérant, entrant comme les deux premiers. — Ah çà ! monsieur, on ne sonne pas comme ça ! Vous allez réveiller tout l’hôtel !

Pinchard. — Comment ! mais est-ce que c’est moi qui sonne ?

Un Voyageur, entrant, robe de chambre et bonnet de coton. — Vous n’avez pas bientôt fini de sonner, monsieur !… Ma femme ne peut pas dormir !

Deuxième Voyageur, entrant. — Est-ce qu’on sonne comme ça ?

Succession de voyageurs et voyageuses entrant en tenues diverses, brouhaha de réclamations. — Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi sonne-t-on ! Ce n’est pas bientôt fini ce train-là ! etc.

Pinchard. — Ah çà ! qu’est-ce que c’est que tous ces gens-là ? Voulez-vous vous en aller !

Le Gérant. — Oui, quand vous aurez fini de sonner !

Tous. — Oui ! oui !

Pinchard. — Où ça, je sonne ? Où voyez-vous que je sonne ? Qui voyez-vous sonner ? Est-ce que c’est ici qu’on sonne ?

Le Gérant. — Mais enfin, monsieur !

Pinchard. — Est-ce que c’est une façon d’entrer chez les gens ? Allons, fichez-moi le camp !

Tous, le conspuant. — Oh !

Pinchard, furieux, près du lit. — Voulez-vous me fiche le camp ! (Pour donner plus de force à son injonction, sur le mot "fiche le camp", il scande chaque syllabe en la ponctuant d’un coup de poing sur le matelas, le timbre répond par une courte sonnerie : "Drin ! Drin ! Drin !" Pinchard s’arrête, étonné, regarde son matelas, et, à froid, redonne trois coups de poing successifs, et le timbre, par conséquent, de lui répondre par trois nouvelles sonneries séparées : "Drin ! Drin ! Drin !") Ah çà ! mais c’est dans le lit que ça sonne !

Tous. — Dans le lit ?…

Pinchard. — Mais absolument ! (Il retire le timbre qui est sous le matelas à sa place.) Ah ! çà ! en voilà une plaisanterie !… Je voudrais bien connaître le farceur qui s’amuse à faire des facéties pareilles !

Tous, étonnés. — Ah !

Pinchard. — Et tenez ! ça continue ! Je vous parie qu’il y en a un autre sous le … sous ma femme ?

Tout le monde se dirige vers le fond. Le Gérant et les voyageurs s’engagent dans la ruelle et vont retirer l’autre timbre.

Mme Pinchard, qui ne comprend rien du tout à ce qui se passe. — Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que vous me voulez ? mon ami ! Pinchard ! des hommes après moi !

Pinchard. — C’est pas à toi qu’on en a.