Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/188

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de veiller sur lui !… Mais, mon pauvre Marcellin, comment veux-tu que je veille sur ton fils ! est-ce que j’ai une action sur lui ? est-ce qu’il m’écoute seulement ?… C’est comme si je disais au prince de Monaco de veiller sur l’Afrique… Quand je lui fais de la morale, il me traite de vieille ganache et, en fin de compte, c’est encore moi qui suis obligé d’être le brosseur des demoiselles qu’il ramène ! (On entend parler dans la chambre de Rédillon et la porte s’ouvre.) Ah ! enfin ils se décident !

Gérome sort par la porte 1er plan droit pour porter les vêtements et les bottines qu’il tient toujours.

Armandine, entrant la première suivie de Rédillon, avançant d’un pas traînant. Elle n’est pas coiffée, les cheveux tournés simplement sur la nuque, et est enveloppée dans une robe de chambre d’homme. En entrant elle se prend les pieds dans ladite robe de chambre et manque de tomber. — Elle est longue, ta robe de chambre !

Elle va à la cheminée.

Rédillon, qui s’est laissé tomber sur le divan. — Elle est longue pour toi, pas pour moi.

Armandine, arrangeant ses cheveux. — Je ne te dis pas, mais comme c’est moi qui l’ai sur le corps !… Aussi, cette idée de me rapporter successivement tous les sacs de nuit de l’hôtel, excepté le mien.

Rédillon. — Est-ce que je le connais, le tien !

Armandine. — Enfin, dans le nombre, tu aurais pu avoir la chance de le rencontrer.

Elle quitte la cheminée.

Rédillon, bâillant. — Ah ! ben !…

Armandine, le regardant. — Eh bien ! quoi donc, mon vieux ?

Rédillon. — Quoi ?

Armandine. — Ca ne va donc pas ?

Rédillon. — Si !… je suis fatigué, voilà tout !

Armandine, s’asseyant près de la table. — Après onze heures de lit !

Gérome paraît, un plumeau à la main ; il s’arrête et regarde Rédillon avec pitié.

Rédillon. — Ca ne vaut pas six heures de sommeil.

Il bâille.

Gérome, sortant par la porte deuxième plan. — S’il est permis de se mettre dans des états paeils !

Rédillon. — Qu’est-ce que vous voulez, Gérome ?

Gérome, boudeur. — Rien !

Rédillon. — Alors, qu’est-ce que vous avez à me regarder ?

Gérome. — Ah ! Ernest, tu t’éreintes, mon garçon !

Armandine. — Hein !

Rédillon. — Comment ?

Gérome. — Tu me fais de la peine !

Rédillon. — Voulez-vous me ficher la paix ! Qu’est-ce qui vous demande quelque chose ?

Gérome. — Je n’ai pas besoin que tu me demandes, je le dis ! Tu me fais de la peine !

Il remonte et sort par le fond.

Rédillon. — Eh bien ! tant mieux ! A-t-on jamais vu !