Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/201

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Pontagnac. — Certainement, mais…

Voix du Commissaire. — Voulez-vous ouvrir ?

Lucienne. — Eh bien ! voilà comme je veux être à vous, à la face de tous ! Pontagnac, prenez-moi, je suis à vous !

Pontagnac. — Hein ! Comment, maintenant ?

Lucienne. — Maintenant ou jamais !

Pontagnac, s’éloignant. — Ah ! non ! par exemple !

Le Commissaire. — Ouvrez ou je brise la glace.

Lucienne. — Ouvrez, voyons, ou il brise la glace !

Pontagnac, affolé. — Hein ? oui.

Pontagnac va ouvrir, Lucienne se laisse tomber assise sur le divan et se tient, les jambes allongées l’une sur l’autre, le torse rejeté en arrière et arc-bouté sur ses bras en fixant sur son mari un regard de défi.

Vatelin, entrant. — Oh ! la misérable !…

Le Commissaire. — Que personne ne bouge !

Vatelin. — C’était vrai !

Pontagnac, au Commissaire. — Mais enfin, monsieur !

Le Commissaire, le regardant. — Encore vous, monsieur ! C’est bien souvent !

Pontagnac. — Mais monsieur, je ne vous comprends pas, je rendais visite à madame.

Le Commissaire. — Dans cette tenue ! Rhabillez-vous donc, monsieur.

Pontagnac se rhabille, tout en oubliant de remettre ses bretelles.

Rédillon, sortant de sa chambre par la porte du premier plan, face au public. — Eh bien ! qu’est ce qu’il y a donc ?

Le Commissaire. — Madame, je suis le commissaire de police de votre arrondissement et je viens à la requête de M. Crépin Vatelin, votre époux…

Rédillon. — Non, je vous interromps. Un flagrant délit chez moi ? (À part.) Pontagnac !

Lucienne, sans quitter la position qu’elle a prise au début de la scène. — C’est bien, Monsieur le Commissaire, je connais la tirade. (À part.) Je l’ai lue ce matin ! (Haut.) Aussi bien, je vais vous faciliter la besogne. M. Pontagnac peut vous dire ce qu’il veut pour essayer de me sauver, c’est son devoir de gentilhomme ; mais moi, j’entends que la vérité soit connue de tous ! (En regardant avec défi Vatelin qui se tient debout entre la table et la cheminée et tournant presque le dos à sa femme.) Rien ne m’a attirée ici que ma volonté et mon bon plaisir, et si j’y suis venue, c’est pour y rencontrer M. Pontagnac, mon amant !

Vatelin. — Elle avoue.

Lucienne. — Je vous autorise, Monsieur le Commissaire, à consigner cet aveu au procès-verbal.

Vatelin, se laissant tomber sur la chaise près de la cheminée. — Oh !

Mme Pontagnac, paraissant à la porte de gauche. — À mon tour, maintenant !

Pontagnac. — Ma femme !

Mme Pontagnac. — Veuillez consigner également, Monsieur le Commissaire, que moi, Clotilde Pontagnac, femme légitime de monsieur, vous