Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/200

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Pontagnac. — Vous trouvez ? (Oubliant ses promesses sous les caresses de Lucienne.) Ah ! Lucienne, ma Lucienne !

Lucienne. — Eh ! bien ! qu’est-ce que c’est ?

Pontagnac. — Oh ! pardon !

Lucienne. — Je vous prie de vous tenir, n’est-ce pas, quand il n’y a personne.

Pontagnac. — Ah ! qu’est-ce que vous voulez, je ne suis pas de bois, moi !

Lucienne. — C’est bien, ça suffit !

Pontagnac. — Oui !

Lucienne s’est levée et est allée chercher un journal sur la table, puis revient s’asseoir et se met à parcourir le journal.

Pontagnac, qui l’a regardée faire, après un temps. — Quelle drôle de façon de comprendre l’amour. (Lisant le titre du journal.) "La Petite République".

Lucienne, après un temps. — Ah ! ah ! il y a une première à Déjazet ce soir.

Pontagnac. — Ah ! ah !

Lucienne. — Vous y allez ?

Pontagnac. — Non !

Lucienne. — Ah !…

Elle se met à lire. — Pontagnac, ne sachant que faire, se met à sifflotter en dedans, tout en regardant autour de lui ; il finit par se lever et, les deux mains derrière le dos, inspecte les bibelots.

Lucienne, sans lever la tête de son journal. — Restez donc assis !

Pontagnac. — Ah ! bon ! (Il va se rasseoir docilement. — Après un temps.) Mais enfin, qu’est-ce qu’on attend ?… Etre obligé de faire le beau pour avoir du sucre !

On entend un bruit de voix au fond.

Lucienne. — Chut !

Pontagnac, qui s’est redressé au bruit. — Qu’est-ce que c’est ?

Lucienne s’est relevée en même temps et fait une boulette de son journal qu’elle jette au loin.

Lucienne, à part. — Enfin !… (Haut.) Et que nous importe ! des gens !… mon mari, peut-être !

Pontagnac. — Votre mari !

Lucienne. — Tant mieux ! ma vengeance n’en sera que plus complète.

À ce moment on voit les stores du fond s’écarter et des têtes paraissent aux vitres.

Scène IX

Les mêmes , puis Vatelin, Le Commissaire, deux Agents, Gérome, puis Rédillon, puis Mme Pontagnac.

Voix du Commissaire. — Au nom de la loi, ouvrez !

Pontagnac. — Ce sont eux ! Cachez-vous !

Lucienne. — Allons donc, me cacher ! M’aimez-vous assez pour me disputer à mon mari lui-même ?