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Scène II

Lucien, seul

Lucien s’installe à sa table et se dispose à écrire. Un temps, on sonne.

Lucien. — Qui est-ce qui vient m’embêter ?… ce doit être le domestique attendu… (il se dirige vers le fond) C’est le comble ! c’est moi qui vais ouvrir à mon domestique.

Il sort et revient.

Scène III

Lucien, Bretel

Lucien. — Entrez !

Bretel, fort accent belge. — Bonjour, Monsieur, ça va bien… à c’t’heure ?

Lucien. — Hein ?

Bretel, avec admiration. — Oh ? gott, gott, gott… ouïe, ouïe, ouïe, ça est chenu tout de même, ici ! tu sais ?

Lucien, riant. — Ah ! nature simple, primitive, la voilà ! (Haut.) hein ! ça vous plaît, ça ?

Bretel. — Pour sûr, alors, ç’aïe de la belle article, tout ça, savez-vous !

Lucien, à moitié riant. — Oui, mon ami. Seulement, vous auriez pu vous nettoyer les pieds avant de venir…

Bretel. — Moi ! Eih ! qu’est-ce que tu dis, j’ai pris un bain de rivière avant-hier, comme par hasard.

Lucien. — Non, vos bottes !… vous auriez pu vous essuyer avant d’entrer… Le tapis est fait pour ça.

Bretel. — Et bien ! alors, il n’y a pas de temps de perdu…

Il se frotte les pieds sur le tapis

Lucien. — Eh ! non ! Eh ! pas là !…

Bretel. — Eh ! bien, alors qu’est-ce que tu chantes que le tapis est fait pour ça.

Lucien. — Oh ! mais il est d’un primitif exagéré !…

Il dépose sa cigarette sur un cendrier qui est sur la cheminée.

Bretel. — Tiens ! qu’est-ce que vous faites, monsieur ?… Tu déposes tes moignons de cigarettes dans des assiettes ?

Lucien. — Ce n’est pas une assiette ! c’est un cendrier… C’est fait pour mettre les bouts de cigares et de cigarettes, et enfin toutes les choses pas propres qu’on me jetterait sur le tapis.

Bretel. — Voyez-vous ça, tout de même… Ca est ce que l’on appelle généralement de la raffinerie.

Lucien, riant. — Non, pas généralement,… rarement !… Tenez ! restez un peu tranquille, j’ai une lettre importante à achever et je suis à vous.

Bretel. — Alleï ! Alleï !

Lucien, écrivant le dos tourné à Bretel, pendant que celui-ci inspecte l’appartement (il relit) "Hélas, ma chère Dora, il est des circonstances