Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/242

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Joseph, introduisant le chasseur. — Allons, va ! (Voyant le chasseur qui va à Gentillac.) Non, pas M. le Comte… M. le Baron !…

Il sort.

Gentillac, à part. — Ainsi, moi, il m’appelle Monsieur le Comte… Je sais très bien que je ne le suis pas… Eh ! bien, je ne peux pas dire… ça ne m’est pas désagréable.

Le Chasseur, à Fauconnet. — M. le Baron ?

Fauconnet. — Ah ! mon ami, vous allez me porter ces deux lettres à leur adresse !

Le chasseur. — Bien, M. le Baron.

Fauconnet. — Celle-ci à la Maison d’Or, pour M. Rigolin, qui y soupe… Vous le connaissez ?

Le chasseur. — Parfaitement, M. le Baron.

Fauconnet. — Bien !… Celle-là, c’est plus délicat ; 17, rue de Choiseul, chez moi… pour Madame Fauconnet… Personnel.

Le chasseur. — Il faudra dire qu’on la remette à Madame la Baronne ?

Fauconnet, ne comprenant pas. — A Madame… Hein ? (Saisissant.) oh ! à la… euh… oui… Mais vous n’avez pas besoin de dire : Madame la Baronne… Madame Fauconnet, ça suffira.

Le Chasseur. — On comprendra ?

Fauconnet. — Oui, oui. Ah ! si par hasard vous voyez Madame elle-même, ne dites pas que vous venez du Café Anglican… dites que vous êtes employé à ma maison de banque, et que je suis au Conseil !

Le Chasseur, indiquant sa livrée. — Mais, Monsieur, si Madame voit les lettres qui sont sur mes boutons ?…

Fauconnet. — Ah ! diable ! c’est juste : C. A…. "Café Anglican". Eh ! bien, vous direz que ça veut dire : "Conseil d’administration." (Il lui donne une pièce de monnaie.) Tenez ; voilà pour vous !

Le Chasseur. — Merci, M. le Baron !

Il sort.

Scène IX

Fauconnet, Gentillac

Gentillac, assis dans le fauteuil. — Lui en fais-tu, des canailleries à ta pauvre femme !

Fauconnet. — Comment, des canailleries ?… Ce sont des prévenances !… Ne veux-tu pas que je la laisse dans l’inquiétude, à se faire un sang du diable, pendant que moi je m’amuse !… Ah ! bien, ça serait d’un bon mari !

Gentillac. — Il est épique !

Fauconnet, remontant à droite, second plan. — Nous ne sommes pas comme vous autres garçons : nous avons des devoirs, mon ami, nous avons des devoirs !… Mais qu’est-ce qu’elle fait donc ?… (Ouvrant la porte, appelant.) Eh bien, mignonne ?

Voix d’artémise. — Tout de suite… je fais faire un point à ma robe.

Fauconnet, redressant. — Elle fait faire un point à sa robe !… Quel petit amour ! C’est moi qui ai marché dessus, au moment de monter en voiture… et elle fait faire un point !

Gentillac. — Allons, ne fonds pas !