Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/243

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Fauconnet. — Ah ! mon ami ! quand tu voudras mettre la main sur une femme exquise, adresse-toi à moi !

Gentillac. — Mais laisse-moi donc tranquille, je sais bien trouver tout seul !

Fauconnet. — Oh ! Oh !

Gentillac. — Tiens, pas plus tard qu’hier, en chemin de fer, je n’ai pas eu besoin de toi !

Fauconnet. — Tu ne m’avais pas dit ça !

Gentillac. — Oui, mon cher, retour d’Auteuil, deux femmes dans le même compartiment que moi, l’une du monde, et l’autre… de chambre !

Fauconnet, s’asseyant. — Une femme de chambre ?

Gentillac. — Oui, je te la laisse ; je ne donne pas dans le torchon ! La femme du monde, délicieuse, mais une tenue… déconcertante !… je me dis : il n’y a rien à faire !

Fauconnet. — On ne sait jamais.

Gentillac. — A qui le dis-tu ? Voilà-t-il pas que, sous le tunnel des Batignolles, nous restons en panne ! Parfait, me dis-je, c’est le moment de tâter le terrain !

Fauconnet. — Moi, ce n’est pas le terrain que…

Gentillac. — Nous sommes d’accord ! Comme mes deux voyageuses qui s’étaient précipitées à la portière, avaient repris leurs places, je me suis arrangé pour me rasseoir près de ma femme du monde, et j’ai commencé discrètement, par frôler avec le coude ! On n’a rien dit, j’ai insisté…

Fauconnet. — Oui, je connais le manège !… Ta main a rencontré la sienne…

Gentillac. — Oui !

Fauconnet. — Elle l’a retirée…

Gentillac. — Non ! au contraire, elle a serré ! Et elle m’a dit tout bas : "Oui, mais prenez garde à la personne qui est avec moi ! "

Fauconnet. — Oh ! alors c’était pas une femme du monde !

Gentillac. — Pourquoi donc ça, mon ami ? Pourquoi donc ça ? C’était une femme qui a du tempérament.

Fauconnet. — Ah ! je veux bien… et alors ?

Gentillac. — Eh bien, alors, la suite à demain cinq heures, mon ami ! Terminus-Hôtel !… Tu vois que je peux me passer de toi !…

Fauconnet. — Allons, tu es bien heureux !

Scène X

Les Mêmes, Artémise, Joseph

Voix d’Artemise. — Là ! merci, Madame !

Fauconnet, se levant vivement. — Ah ! la voilà ! Sonne, pour qu’on serve !

Gentillac. — Oui.

Il sonne.

Artemise, toujours masquée. — Je vous demande pardon de vous avoir fait attendre…

Fauconnet. — Hein ? Comment, comment, vous avez encore votre vilain domino ?

Artemise. — Mais, dame… est-ce que ?…

Gentillac. — Ah ! mais non, ah ! mais non !… sur le seuil du cabinet