Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/244

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particulier, l’incognito perd ses droits… C’est l’endroit où les masques se soulèvent !

Fauconnet. — Ce sont nos petits bénéfices !

Artémise. — Oh ! messieurs, je vous en prie…

Fauconnet. — Oh ! mais c’est l’usage !

Joseph, entrant. — Ces Messieurs ont sonné ?

Fauconnet. — Oui, servez !

Joseph. — Bien, M. le Baron !

Il sort.

Fauconnet. — D’abord vous ne pouvez pas souper avec ce fouillis de dentelles sur la figure ! (Caressant la main de Gentillac, croyant caresser la peau d’Artémise.) Elle est décolletée !…

Gentillac. — Non, c’est ma main !

Fauconnet. — Ah !

Gentillac. — Et puis enfin, pour nous, ne sera-ce pas le meilleur régal de notre souper que de contempler le joli minois de notre belle inconnue !…

Artémise. — Oh ! non, non, tout à l’heure… ce… genre d’existence est si nouveau pour moi… j’ai si peu l’habitude.

Fauconnet. — Tu entends, hein ? tu entends ?

Artémise. — Attendez que je sois familiarisée…

Fauconnet. — Ah ! elle est adorable.

Artémise. — Je ne suis pas ce que vous croyez, vous savez. Parce que vous m’avez rencontrée au bal de l’Opéra, vous pouvez supposer que je fais partie de ces créatures…

Fauconnet. — Oh ! non ! non ! il sait… je l’ai mis au courant. Vous êtes une femme qui se venge !

Gentillac. — Oui… et qui cherche un vengeur !… Joli masque, comptez sur moi !

Fauconnet, cherche à les séparer. — Comment, sur toi ?… sur moi !…

Gentillac. — Mais non ! mais non ! N’est-ce pas, ma mignonne ?

Fauconnet, les séparant. Tu n’as pas fini, vil enjôleur ? (A Artémise.) Vous savez, ne l’écoutez pas… c’est un galantin… un coureur… pas plus tard qu’hier, en chemin de fer…

Gentillac, se défendant mollement, au fond enchanté. — Veux-tu te taire !

Fauconnet. — Oui, oui… je vais lui dire… il a rencontré une dame… et alors sous le tunnel…

Gentillac. — Allons ! Allons !

Fauconnet. — Si… si… on te connaîtra !

Artémise, curieuse. — Et alors sous le tunnel !…

Fauconnet. — Eh bien, sous le tunnel… eh bien : tararaboum, ça y est !

Artémise. — Oh !

Fauconnet. — Parfaitement… et la suite à demain, Hôtel Terminus ! Voilà l’homme, ma belle amie, voilà l’homme !

Artémise. — Quelle horreur !

Fauconnet. — Ne l’écoutez pas, je vous dis, ne l’écoutez pas. Et maintenant, enlevez votre chapeau, dites ?

Artémise, passant au milieu. — Vous voulez donc me voir rougir ?

Gentillac et Fauconnet. — Oh ! oui !… Oh ! oui !…

Gentillac. — C’est si rare en pareil lieu, des femmes qui rougissent encore !

Artémise. — Mais alors vous êtes sans pitié.